Un ballet impudique
Observation n° 10 : une danse exécutée, certainement pas d'une façon pudique, devant Pilate, dans le Prétoire (vol. IV, p.75), etc.
L'œuvre de Maria Valtorta nous fait rencontrer des Romains tout au long de l'œuvre. Ainsi en va-t-il pour Pilate, bien sûr, mais aussi pour Claudia Procula, Valeria et Lydia, des femmes qui suivent et approuvent la Sagesse du Christ. Par leur entremise, on apprend la vie souvent déréglée des Romains (par exemple dans l'EMV 425 et 426). Orgies, plaisirs en tout genre, vie facile, ils ne s'interdisent rien et il n'est donc pas étonnant que des danses ou des ballets romains scandalisent les Hébreux.
Deux danses de ce type ont lieu dans l'Œuvre.
La première a lieu lorsque le Sanhédrin obtient une audience de Pilate (EMV 549). Les pharisiens sont présents, mais le Proconsul les laisse attendre longtemps sans leur accorder une once d'attention. En effet, une fête a lieu chez lui, et il a envie de tout, sauf de s'occuper des Israélites. Il arrive finalement avec ses invités.
Les Romains rient entre eux et plaisantent, en lançant de temps à autre un coup d'œil sur le groupe qui attend tout au fond. L'un d'eux murmure quelque chose à Pilate, qui ne s'est jamais retourné pour regarder ; mais celui-ci hausse les épaules avec un geste d'ennui et bat des mains pour appeler un esclave, auquel il ordonne à haute voix d'apporter des friandises et de faire entrer les danseuses. Les Hébreux, scandalisés, frémissent de colère. Pensez à un Elchias obligé de voir des danseuses ! Son visage est un poème de souffrance et de haine.
Les esclaves arrivent avec toutes sortes de douceurs dans des coupes précieuses, suivis de danseuses couronnées de fleurs et à peine couvertes de voiles si aériens qu'elles semblent être dénudées. Leur corps très blanc transparaît à travers les vêtements vaporeux, teintés de rosé et de bleu clair, quand elles passent devant les brasiers allumés et les nombreuses lampes posées au fond. Les Romains admirent la grâce des corps et des mouvements, et Pilate redemande un pas de danse qui lui a particulièrement plu. Indigné, Elchias, imité par ses compagnons, se tourne vers le mur pour ne pas voir les danseuses voleter comme des papillons dans un balancement de parures inconvenantes.
Une fois finie cette courte danse, Pilate les congédie en mettant dans la main de chacune une coupe remplie de friandises où il jette nonchalamment un bracelet. Finalement, il daigne se tourner pour regarder les Hébreux et dit à ses amis d'un air ennuyé :
« Et maintenant... je vais devoir passer du rêve à la réalité... de la poésie à... l'hypocrisie... de la grâce aux ordures de la vie. Quelle misère d'être Proconsul !... Salut, mes amis, et ayez pitié de moi. » (EMV 549).
La danse est assurément scandaleuse et est contraire aux mœurs. Mais Maria Valtorta en fait-elle une description détaillée ? Non. Elle va à l'essentiel. Puisqu'elle est la chroniqueuse de la vie de l'Homme-Dieu, elle doit noter ce détail, mais nous sommes loin d'une description balzacienne qui s'étend sur plusieurs pages. Nous avons le contexte et c'est tout : l'esprit du lecteur ne sait pas fantasmer sur cette scène, et s'il le fait, c'est uniquement de sa propre volonté.
Venons-en maintenant à l'autre danse, effectuée cette fois lors de la Passion de Jésus, lorsqu'il est chez Hérode. L'Osservatore Romano ne l'énonce pas, mais ce passage existe. Là aussi, sa description sera courte.
Pendant qu'on libère Jésus de ses liens, des serviteurs en grand nombre apportent des amphores et des coupes, des danseuses entrent... couvertes de rien. Une frange multicolore de lin ceint pour unique vêtement leur mince personne de la taille aux hanches. Rien d'autre. Bronzées parce qu'africaines, souples comme de jeunes gazelles, elles commencent une danse silencieuse et lascive.
Jésus repousse les coupes et ferme les yeux sans mot dire. La cour d'Hérode rit de son indignation.
« Prends celle que tu veux. Vis donc ! Apprends à vivre !... » insinue Hérode.
Jésus est une vraie statue. Les bras croisés, les yeux fermés, il ne bouge pas même quand les danseuses impudiques le frôlent de leurs corps nus.
« Cela suffit. Je t'ai traité en Dieu, et tu n'as pas agi en Dieu. Je t'ai traité en homme, et tu n'as pas agi en homme. Tu es fou. Un vêtement blanc ! Revêtez-le de celui-ci pour que Ponce Pilate sache que le Tétrarque a jugé son sujet fou. Centurion, tu diras au Proconsul qu'Hérode lui présente humblement son respect et vénère Rome. Allez » (EMV 604.27).
Que dire sinon que le comportement des personnages, aussi bien celui de Pilate que d'Hérode sont inconvenants ? Des danses lascives ont bien lieu, mais on ne devrait pas s'en étonner puisque leurs deux palais sont un lieu de jouissance, et l'un d'eux a même connu l'exécution de Jean-Baptiste. La Haine et la concupiscence règnent dans le palais du Tétrarque ; quant au domicile de Pilate, il reflète l'esprit de son propriétaire, qui n'a certainement pas brillé par ses vertus.
Qu'on se scandalise de ces scènes, oui. Qu'on dise que l'œuvre de Maria Valtorta ne doit pas être lue pour quelques danses scabreuses qui sont, du reste, très synthétiques, non.
Notons du reste que les censeurs s'offusquent de la danse chez Pilate, mais ils ne semblent pas relever l'attitude de certains personnages. Par exemple, le comportement de Jésus face à Hérode est à lui seul un enseignement face à l'impureté et la tentation. Plutôt que de s'indigner de quelque comportement scandaleux, pourquoi ne pas regarder les vertus que nous montre le Christ à travers cette œuvre ? Plutôt que de se concentrer sur le vice, pourquoi ne pas relever le bon exemple qui nous est montré par Jésus, par les apôtres et les vrais chrétiens qui le suivent ?
Certes, tout n'est pas bon, mais dans cette œuvre, on côtoie l'humanité dans son ensemble : des saints, des hommes justes, des indécis, des pécheurs, des coupables, des convertis... C'est à nous de nous nourrir des personnages vraiment exemplaires et de repousser le comportement de ces hommes abandonnés à la chair, au monde, au pouvoir et à Satan. L'EMV nous donne deux modèles : le Christ et Marie. Et celui qui lira attentivement cette œuvre se rendra compte que ces deux modèles sont les mêmes que ceux de l'Évangile canonique.