Des pages scabreuses. La confession d'Aglaé

Observation n° 9 : Des pages scabreuses qui font penser à des descriptions et des scènes de romans modernes. L'exemple de la confession d'Aglaé

Nous ne savons pas exactement à quelles pages scabreuses fait référence l'Osservatore Romano, aussi nous arrêterons-nous à l'exemple qu'il cite dans son texte, c'est-à-dire à la confession d'Aglaé.

L'Osservatore Romano s'en afflige et s'en offusque. Nous nous en étonnons grandement car ce chapitre fait preuve d'une grande contrition et pureté de cœur.

Qui est Aglaé ? Une femme que Jésus rencontre à Hébron, alors qu'il se rend à la maison d'Élisabeth et de Zacharie. Elle est une prostituée. Le Christ éprouve du dégoût pour son péché, mais il lui donne quand même des paroles de miséricorde. Contrite, elle en vient à se repentir intérieurement. Elle cherche alors quelqu'un qui pourra l'aider dans son élévation vers Dieu et elle va trouver Marie, qui réside à Nazareth (EMV 168).

On est au soir. Marie coud paisiblement lorsqu'on vient frapper à la porte. Elle se lève alors et demande :

« Qui frappe ? »

Une voix faible répond :

« Une femme. Au nom de Jésus, ouvre-moi. »

Marie ouvre aussitôt, en tenant haut la lampe pour distinguer qui est cette pèlerine. Elle voit un amas d'étoffe, un enchevêtrement dont rien ne transparaît, un pauvre enchevêtrement qui s'incline profondément en disant :

« Salut, Maîtresse. »

Et elle répète :

« Au nom de Jésus, aie pitié de moi.

-- Entre et dis-moi ce que tu veux. Je ne te connais pas.

-- Personne ne me connaît et beaucoup me connaissent, Maîtresse. Le vice me connaît. La Sainteté elle aussi me connaît. Mais j'ai besoin que la miséricorde m'ouvre les bras. Or la miséricorde, c'est toi... »

Elle pleure.

« Mais entre donc... et dis-moi... Tu en as assez dit pour que je comprenne que tu es malheureuse... Mais qui tu es, je ne le sais toujours pas. Quel est ton nom, ma sœur ?

-- Ah non ! Pas "ma sœur" ! Je ne puis être ta sœur... Tu es la Mère du Bien... moi... moi je suis le mal... »

Elle redouble de larmes sous son manteau qui la cache entièrement.

Marie pose la lampe sur un siège, prend la main de l'inconnue agenouillée sur le seuil, et l'oblige à se lever.

(...) Elle se lève, humble, tremblante, secouée de sanglots, mais hésite encore à entrer :

« Je suis païenne, Maîtresse. Pour vous, les juifs, autant dire une ordure, même si j'étais sainte. Mais une ordure à double titre, parce que je suis une prostituée.

-- Si tu viens à moi, si tu cherches mon Fils à travers moi, tu ne peux plus être qu'un cœur qui se repent. Cette maison accueille tout ce qui s'appelle douleur. »

Et elle l'attire à l'intérieur, referme la porte, remet la lampe sur la table et lui offre un siège en disant :

« Parle » (EMV 168)24.

Marie accueille une femme accablée par la douleur et le poids de sa faute. Aglaé pleure : elle a besoin de s'exprimer, de raconter sa vie, et d'avoir la caresse d'une Mère qui lui permettra de redresser sa tige brisée par son péché.

L'Osservatore Romano s'offusque sans doute du récit d'Aglaé. En effet, celle-ci n'épargne rien : elle raconte son enfance, son désir de faire du théâtre, la manière dont elle danse sous les yeux impudiques d'un homme, sa sensualité, sa fuite de la maison paternelle et la fin de sa pureté. Elle va à Rome et est « une vraie loque » piétinée par la bestialité des hommes. Quand le patricien romain qui l'a prise sous son aile la jette, elle est accueillie par un maître de danse qui exploite ses dons au profit du patriciat romain. Des années plus tard, elle va en Palestine et a un nouveau maître, à Hébron. Là, elle rencontre Jésus qui lui donne des paroles de vie.

Le récit d'Aglaé est long, mais elle ne le dit pas pour se mettre vainement en valeur. Son unique but est de montrer à quel point elle revient de loin et à quel point elle a besoin de la bonté du Seigneur. Décrire sa vie à Marie permet également à celle-ci de comprendre tout le cheminement de cette pauvre âme, et quels soins Aglaé doit avoir pour renaître à l'Amour et à la Grâce.

Cette vie est scabreuse ? Assurément. La jeune femme a blessé ses parents, jeté sa pureté aux orties, et a vécu au milieu de la sensualité des hommes. On ne peut être que dégoûté de son récit et du comportement qu'elle a adopté tout au long de sa vie. Mais son témoignage permet de comprendre la bassesse humaine qui a également régné à Rome. De plus, ce récit montre à quel point Aglaé s'est repentie.

En effet, la vie de la jeune femme est marquée par le vice, mais on perçoit également son vif désir de renaître au Bien. Si Aglaé vient trouver Marie, ce n'est pas uniquement pour lui raconter sa vie, c'est pour avoir la force de se relever et d'être guidée par une âme qui saura la guider jusqu'au Fils de Dieu. L'Osservatore Romano remarque sa vie débridée, mais il est étonnant qu'il ne remarque pas la force du repentir d'Aglaé. Il voit son impureté, mais il ne voit pas la brebis blessée qui recherche son Sauveur. Il voit son comportement infâme -- et son attitude a vraiment été dégoûtante -- mais il ne voit pas à quel point elle boit les paroles du Christ ni à quel point elle reconnaît sa misère. Elle n'est rien. Lui est tout. Et pourtant, le quotidien italien ne voit pas son humilité ni sa contrition et son appel au secours.

Lorsqu'on se confesse, on est obligé de dire tous les péchés qu'on a commis -- au moins tous ceux dont on se souvient -- pour s'en repentir et les offrir au Christ. Aglaé se sent trop indigne d'approcher le Seigneur, mais, comme beaucoup d'âmes après elle, elle vient trouver Marie qui est la voie royale pour atteindre Jésus. Pourquoi donc s'étonner de son long récit à la Vierge ? Au mieux, cela renforce la crédibilité de l'ouvrage valtortien, car Maria Valtorta était une ignorante qui n'aurait jamais su écrire un tel récit sur le monde de cette époque. La Mère de Dieu ne donne pas à Aglaé l'absolution de ses péchés, car elle n'en a pas le pouvoir, mais elle lui donne le courage de continuer dans son chemin de conversion. Et Dieu seul saura à quel point son repentir est profond et authentique.

Il s'agit d'une vie scabreuse, mais il faut savoir lire l'ouvrage dans son ensemble, voir le vice et le repentir, le mal et le bien, et alors la force de telles confessions nourrira les âmes et les encouragera à se jeter dans la Miséricorde divine, qui est toujours prête à nous accueillir, à nous pardonner, et à nous guérir.

Notes de bas de page

24 Il serait trop long de mettre l'ensemble du chapitre ici. Il est néanmoins disponible en ligne, sur www.maria-valtorta.org ou sur www.valtorta.fr.