Marie parle comme une avocate moderne
Observation n° 6 : La très sainte Vierge a la faconde d'une avocate moderne
L'Osservatore Romano considère que la Sainte Vierge a l'éloquence d'une avocate moderne.
Marie prend parfois la parole quand on lui demande son avis. Par exemple, elle dialogue avec Judas quand celui-ci pense que Jésus devrait penser à sa Mère et ne pas la faire souffrir (EMV 249). De la même manière, elle conseille Pierre d'être toujours charitable envers son prochain, sans se moquer des fautes d'autrui (EMV 285). Elle parle néanmoins toujours avec douceur et simplicité, et nous sommes donc bien loin des discours d'une avocate moderne.
À d'autres moments, Marie intercède pour les apôtres. Ainsi, quand Judas lui demande de l'accompagner à Nazareth, elle va en parler à Jésus, qui lui accorde ce qu'elle demande (EMV 262). Plus tard, elle conseille l'Iscariote avec prudence et diplomatie, sans lui faire de grand discours (EMV 264).
Plus grande est son intercession pour Pierre, quand celui-ci veut adopter Marziam, un petit orphelin qui a perdu sa famille. Jésus refuse de le lui confier, car il est destiné à être son Vicaire, et le Christ ne veut pas que son apôtre soit retenu par un attachement humain (EMV 191). Simon de Jonas en parle plus tard à Marie et celle-ci vient alors trouver son Fils. Nous pensons que c'est peut-être ce passage qui a retenu l'attention de l'Osservatore Romano, donc nous nous permettons de le citer ci-dessous. Marie discute alors avec Jésus et parle de sa discussion avec Pierre.
« Simon a ce grand désir... Pendant que je marchais avec lui, il n'a pas cessé de m'en parler, et avec des raisons si justes que... je n'ai rien pu dire pour le faire taire. C'étaient les mêmes raisons que nous invoquons toutes, nous les femmes et les mères. L'enfant n'est pas robuste. S'il avait été comme toi... ah ! Alors il aurait pu s'avancer sans crainte vers la vie de disciple. Mais qu'il est chétif !... Très intelligent, très bon... mais rien de plus. Quand un tourtereau est délicat, il ne peut prendre son envol tout de suite, comme le font les forts. Les bergers sont bons... mais ce sont toujours des hommes. Les enfants ont besoin des femmes. Pourquoi ne le laisses-tu pas à Simon ? Tant que tu lui refuses un enfant vraiment né de lui, j'en comprends la raison. Un petit, pour nous, c'est comme une ancre. Et Simon, destiné à un si grand rôle, ne peut avoir d'ancres qui le retiennent. Néanmoins, tu dois convenir qu'il lui faut être le "père" de tous les enfants que tu lui laisseras. Comment peut-il être père s'il n'a pas été à l'école d'un enfant ? Un père doit être doux. Simon est bon, mais pas doux. C'est un impulsif et un intransigeant. Il n'y a qu'un enfant qui puisse lui enseigner l'art subtil de la compassion pour les faibles... Considère le sort de Simon... C'est bien ton successeur ! Oh ! Je dois pourtant le dire, ce mot atroce ! Mais, pour toute la souffrance qu'il m'en coûte pour le dire, écoute-moi. Jamais je ne te conseillerais quelque chose qui ne serait pas bon. Marziam... Tu veux en faire un parfait disciple... or c'est encore un enfant. Toi... tu t'en iras avant qu'il ne devienne un homme. Alors, à qui le confier plutôt qu'à Simon pour compléter sa formation ? Enfin, tu sais quelles tribulations ce pauvre Simon a subies, même à cause de toi, de la part de sa belle-mère ; et pourtant il n'a pas repris la plus petite parcelle de son passé, de sa liberté depuis un an, pour que sa belle-mère -- que même toi n'as pu changer -- le laisse en paix. Et sa pauvre épouse ? Ah ! Elle a un tel désir d'aimer et d'être aimée ! Sa mère ? Ah !... son mari ? Un cher autoritaire... Jamais la moindre affection qui lui soit donnée sans trop exiger... Pauvre femme !... Laisse-lui l'enfant. Écoute, mon Fils : pour le moment, nous l'emmenons avec nous. Je viendrai, moi aussi, en Judée. (...) Après cela, à notre retour en Galilée, nous le confierons à Porphyrée. Quand nous serons dans les environs de Bethsaïde, Pierre le prendra. Quand nous viendrons ici, au loin, l'enfant restera avec elle. Ah ! Mais tu souris maintenant ! Alors tu vas faire plaisir à ta Maman. Merci, mon Jésus » (EMV 199).
Pierre a bien compris que Marie était la faiblesse de Jésus et c'est par son intercession qu'il obtient finalement la garde de l'orphelin.
Après avoir lu cet extrait, posons-nous la question suivante : Marie a-t-elle une grande éloquence ? Elle sait en tout cas exprimer correctement ses idées. Humainement, il n'y a pas de quoi s'en étonner : elle a grandi au Temple de Jérusalem et on peut croire qu'elle a reçu une bonne éducation. Spirituellement, ensuite, on s'aperçoit que son intelligence est très vive dès son plus jeune âge. Elle n'a pas en elle la marque du péché originel, et son amour pour Dieu ne cesse de grandir au fil du temps. Lorsqu'elle accueille le Verbe de Dieu en son sein, on peut croire que cette communion d'amour avec son Fils lui permit d'accueillir les plus grandes vérités célestes. Jésus lui-même parle de l'intelligence de sa Mère qui apparaît dès son enfance :
Marie n'était pas seulement la femme pure, la nouvelle Ève recréée pour faire la joie de Dieu : elle était plus qu'Ève, elle était le chef-d'œuvre du Très-Haut, elle était la Pleine de grâce, elle était la Mère du Verbe dans l'esprit de Dieu.
« Le Verbe est la source de la Sagesse », dit Jésus ben Sirach. Le Fils n'aurait-il donc pas mis sa propre sagesse sur les lèvres de sa Mère ?
Un prophète chargé de dire les paroles que le Verbe -- la Sagesse -- lui inspirait de transmettre aux hommes, eut les lèvres purifiées par un chardon ardent : et l'Amour n'aurait pas donné netteté et élévation de langage à son Epouse encore enfant qui devait porter la Parole en son sein ? Elle ne devait plus parler d'abord en enfant puis en femme, mais uniquement et toujours en créature céleste en qui la grande lumière et la sagesse de Dieu étaient infuses.
Le miracle ne réside pas dans l'intelligence supérieure manifestée dès l'enfance par Marie, puis par moi. Le miracle, c'est de pouvoir contenir l'Intelligence infinie qui habitait en nous, dans des limites qui permettent de ne pas frapper d'émerveillement les foules et de ne pas éveiller l'attention de Satan (EMV 7).
Marie possède donc une grande sagesse et peut occasionnellement intercéder pour les apôtres. Dans le cas de Pierre, elle livre sa réflexion à son Fils et explique les raisons qui la pousse à défendre le premier Vicaire du Christ. Agit-elle cependant comme une avocate au tribunal ? Non. Elle reste la Mère de Jésus, humble et douce comme une colombe, et elle lui présente son point de vue en toute simplicité. En ce qui concerne Marziam, elle évoque à Jésus la réalité de sa vie évangélisatrice, qui serait actuellement trop éprouvante pour l'enfant. Puis elle s'arrête sur la vie spirituelle de Pierre et de son épouse, Porphyrée. Son seul souci est le bien des âmes, et c'est bien à cause de cela que Jésus se rend à ses raisons. Car le Christ ne voit pas en elle une avocate qui intercède pour ses clients, mais une Mère qui intervient pour le bien de ses enfants.
Soulignons également que Marie ne cherche pas à outrepasser l'autorité de Jésus ou à lui imposer ses désirs : c'est lui qui décide s'il accède à ses demandes ou non. Ses discours sont aussi très rares, et si elle livre ses impressions à son Fils quand il le lui demande, ces dernières sont toujours posées et réalistes. Quand enfin elle prie son Fils pour se voir accorder quelque chose, c'est toujours pour le salut des âmes, et son discours est loin d'avoir la froideur des plaidoyers ou des réquisitoires.