25 Novembre 1948 : Pie XII était-il au courant que le Saint-Office contestait le projet de publication par les servites ?
Oui. Pie XII était au courant. Mais le Saint-Père et le Saint-Office parlaient-ils de la même chose? Partageaient-ils le même jugement comme semble l'affirmer G. Pepe? Rien n'est moins sûr si on rapproche les différentes sources de cette époque. Elles dessinent un scénario chaotique :
2 octobre 1948 : Le P. Berti est averti d'une action sournoise en préparation (Les Carnets).
14 octobre 1948 : G. Pepe découvre dans le Giornale d’Italia un article promotionnel pour la souscription en vue de "Paroles de Vie Éternelle" avec l'imprimatur de Mgr Barneschi (p. 37).
25 octobre 1948, Maria Valtorta annonce la sortie probable du premier tome pour novembre (Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2) puis signale plus tard que ce jour là le Procureur général des Servites de Marie, avait reçu une demande du Pape Pie XII transmise par Mgrs G.B. Montini (futur Paul VI) et Domenico Tardini : que la future publication soit sécurisée par un second imprimatur en bonne et due forme. Ils proposaient de faire appel à un imprimeur en dehors du Vatican pour éviter les réactions de "certains prélats hostiles". Ils suggéraient pour cela la maison éditrice Michele Pisani (aujourd'hui Centro editoriale valtortiano). L'imprimatur devait être sollicité auprès de l'évêque de Sora-Aquino-Pontecorvo, diocèse de l'éditeur, qui se proposa de l'accorder (Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2, 11 novembre 1948, p. 167-168.)
24 novembre 1948, le Saint-Office, selon G. Pepe (p. 39) décide "d'appeler le supérieur des Servites au sujet des PP. Berti et Cecchin (il ne précise pas le motif), d'envoyer les dossiers au P. Alberto Vaccari pour avis et de stopper la souscription pour l'œuvre". Pie XII aurait approuvé ce décret. On ne dispose pas d'écrit de sa part.
29 novembre 1948, alors que les rotatives étaient sur le point de démarrer, le Saint-Office appelle le Procureur Général de l'Ordre des Servites de Marie et lui ordonne de dire au PP. Berti et Migliorini de ne plus s'occuper de l'œuvre. s'ils ne voulaient pas être frappés par les décrets du Saint-Office pour avoir illégalement volé (?) l'approbation de Monseigneur Barneschi contrairement aux normes du Droit Canon, car cet évêque n'est pas l'évêque de la maison d'édition ni celui de l'auteur8, et surtout parce que : "Il est l'évêque des Zoulous". Le P. Berti se précipite chez le Père Bea, puis chez Mgr Carinci et Mgr Fontevecchia, chez d'autres évêques, chez d'autres Pères Jésuites, et tous ont répondu d'un commun accord : "Allez-y quand même. Ils ne peuvent rien vous faire." (Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2, pp. 172-173.)
15 décembre 1948, l'O.R. mentionne une audience particulière du P. Roschini (favorable à la publication, pp. 36 et 40) avec Pie XII. On n'en connaît pas la teneur (Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2, 16 décembre 1948).
23 décembre 1948, nouvelle parution dans le Giornale d’Italia d'un article en faveur de la souscription.
23 décembre 1948, Maria Valtorta reçoit un avertissement solennel du Père Éternel demandant à Pie XII de faire preuve de fermeté. Cet avertissement a été transmis au Vatican. G. Pepe en parle (pp. 40-41).
6 janvier 1949: Le succès rencontré dans l'entourage de Pie XII par les prophéties de Maria Valtorta sur le tombeau de St Pierre qu'on cherchait à cette époque, pousse les Servites à la considérer comme une prophétesse. Jésus les modère (Les Carnets).
9 janvier 1949, sous la pression des événements alarmants, Maria Valtorta prend l'initiative de s'adresser directement à Mgr Alfonso Carinci (qui était déjà venu spécialement la voir à Viareggio). Elle lui fait part que "des difficultés, continuelles et toujours croissantes, viennent de certains prélats pour empêcher le bon aboutissement de l'œuvre". Mgr Carinci temporise: il s'agit seulement d'une vérification, non d'une condamnation.
26 janvier 1949, Alberto Vaccari dépose le rapport très critique que l'on découvre dans les documents d'archives (pp. 49 et suivantes).
28 janvier 1949, Mgr Carinci lit la lettre de Maria Valtorta à Pie XII qui en apprécie la forme et le contenu. C'est le Saint-Office qui s'occupe de la publication. Mgr Carinci a le sentiment que ce n'est pas de manière favorable. (Correspondance avec Mgr Carinci, p. 24),
2 février 1949, lors de l'offrande des cierges à Sa Sainteté, Pie XII a répété au P. Berti et à un élève Servite de Marie sa volonté d'approuver l'œuvre rapidement... (Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2, 16 mars 1949).
2 février 1949, G. Pepe dépose sa Note brève (pp. 35 et suivantes)
14 février 1949: Les consulteurs du Saint-Office adoptent des décisions qui seront avalisées par leur hiérarchie le 16 février:
1) obliger les Pères Servites de Marie de consigner au Saint Office tous les manuscrits et toutes leurs copies.
2) Que soit publiée l'interdiction de la publication de l'œuvre parce que l'Autorité Ecclésiastique y a trouvé des erreurs et qu'il n'y rien de surnaturel dans ces visions.
3) Interdire au père Berti et aux autres religieux [Servites de Marie] tout contact avec la voyante.
4) Dire à l'évêque de mettre la voyante sous la direction spirituelle d'un prêtre prudent et pieux.
5) Obliger les promoteurs de cette affaire à restituer les sommes d'argent déjà collectées, tout en laissant à l'Ordre (qui a laissé ses membres s'embarquer dans cette affaire) le soin de couvrir les éventuelles pertes financières.
16 février 1949: Le P. Berti écrit à Maria Valtorta que tout semble aller dans le bon sens.
17 février 1949: Selon le rapport de G. Pepe, le Pape Pie XII approuve ces décisions SAUF la Notification (point 2 du relevé des décisions ci-dessus).
22 février 1949: Le P. Berti est convoqué au Saint-Office. Il n'a pas le droit de parler, seulement de signer la lettre du Saint-Office et de remettre les manuscrits en sa possession (Attestation du Père Berti 1978, Exposizione, § 4).
16 mars 1949: Maria Valtorta attribue ce décret au fait "que les pères qui ont toujours voulu publier l'œuvre sans approbation et en tant qu'œuvre humaine, sont de mèche avec les laïcs et le Saint-Office, etc. Ils voulaient la qualifier de "scientifique", autrement dit, vu son style, de "médiumnique", me causant le déshonneur, aussi bien humain que spirituel. Cela me faisait passer pour un spirite qui a vu et entendu ce que j'ai décrit et écrit dans l'œuvre à la manière d'un médium (en d'autres termes sataniquement)" (Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2, pp. 187-188).
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