Contradiction n° 4 : Il existe de nombreuses sensualités qui parsèment l'ouvrage.

A titre strictement personnel, nous avons du mal à trouver les « nombreuses sensualités » qui parsèment l'EMV, et nous aurions préféré avoir des exemples concrets pour mieux comprendre le point de vue des Dominicains.

Nous allons donc simplement faire des suppositions et nous arrêter sur quelques personnages qui auraient pu interpeler les auteurs. Nous précisons que c'est une extrapolation de notre part et que nous pourrons peut-être ne pas répondre complètement à l'argument présenté par les auteurs de l'article.

À défaut d'avoir plus de détails, nous proposons donc d'étudier quelques extraits à propos d'Aglaé et de Marie-Madeleine.

Aglaé

Aglaé est la maîtresse d'un hérodien. Jésus la rencontre alors qu'il va à Hébron, pour saluer la mémoire d'Élisabeth et de Zacharie. C'est une femme très belle, mais provocante.

« Seigneur, tu veux entrer dans la maison ? Entre. »

Jésus la fixe des yeux, sévère comme un juge, sans mot dire. C'est Judas qui s'en charge, approuvé par tous.

« Rentre, effrontée, ne nous profane pas par ta respiration, chienne famélique. »

La femme rougit vivement et baisse la tête. Elle s'empresse de disparaître, confuse, insultée par les gamins et les passants.

« Qui est assez pur pour prétendre : "Je n'ai jamais désiré la pomme offerte par Ève ?" dit Jésus d'un ton sévère, avant d'ajouter : montrez-le moi, et j'irai le saluer comme saint. Personne ? Alors si vous vous sentez incapables de l'approcher, non par mépris mais par faiblesse, retirez-vous. Je n'oblige pas les faibles à une lutte inégale. Femme, je voudrais entrer. Cette maison appartenait à un de mes parents. Elle m'est chère.

-- Entre, Seigneur, si tu n'éprouves pas de dégoût pour moi.

-- Laisse la porte ouverte, pour que les gens voient et ne jasent pas... »

Jésus passe, sérieux, solennel. La femme le salue, subjuguée, et n'ose bouger. Mais les insultes de la foule la piquent jusqu'au sang. Elle s'enfuit en courant au fond du jardin tandis que Jésus avance jusqu'au pied de l'escalier, jette un coup œil par la porte entrouverte, mais sans entrer. Puis il va à l'emplacement du tombeau, là où maintenant se trouve une espèce de petit temple païen (EMV 77.6).

Un instant après, Aglaé vient retrouver le Seigneur.

La femme l'a rejoint en suivant une haie qui la dissimule.

« Seigneur !

-- Femme.

-- Ton nom, Seigneur ?

-- Jésus.

-- Je ne l'ai jamais entendu. Je suis romaine : mime et ballerine. Je ne suis experte qu'en lascivité. Que signifie ce nom ? Le mien, c'est Aglaé et... et il veut dire : vice.

-- Le mien veut dire : Sauveur.

-- Comment sauves-tu ? Qui ?

-- Celui qui recherche le salut en faisant preuve de bonne volonté. Je sauve en enseignant à être pur, à vouloir la douleur ainsi que l'honneur, le bien à tout prix. »

Jésus parle sans aigreur, mais aussi sans se tourner vers la femme.

« Je suis perdue...

-- Je suis celui qui va à la recherche de ceux qui sont perdus.

-- Je suis morte.

-- Je suis celui qui donne la vie.

-- Je suis saleté et mensonge.

-- Je suis pureté et vérité.

-- Tu es aussi bonté, toi qui ne me regarde pas, ne me touche pas, et ne me méprise pas. Pitié pour moi...

-- C'est à toi d'abord d'avoir pitié de toi. De ton âme.

-- Qu'est-ce que c'est, l'âme ?

-- C'est ce qui fait de l'homme un dieu et non un animal. Le vice, le péché la tue et, une fois morte, l'homme devient un animal repoussant.

-- Je pourrai te voir encore ?

-- Celui qui me cherche me trouve.

-- Où habites-tu ?

-- Là où les cœurs ont besoin du médecin et des remèdes pour devenir honnêtes.

-- Alors... je ne te verrai plus... Là où je suis, on ne veut ni médecin, ni remède, ni honnêteté.

-- Rien ne t'empêche de venir là où je suis. Mon nom, on le criera dans les rues et il arrivera jusqu'à toi. Adieu.

-- Adieu, Seigneur. Laisse-moi t'appeler "Jésus". Ah, pas par familiarité !... Pour que rentre un peu de salut en moi. Je suis Aglaé. Souviens-toi de moi » (EMV 77.7).

Eh bien ? La femme est une prostituée, mais ne trouve-t-on pas chez elle un désir sincère de venir au Christ ? L'attitude de ce dernier sera bien sûr reprochée à Jésus, on lui interdira ensuite d'entrer dans la synagogue parce qu'il aura été voir une courtisane et Judas lui-même déclarera qu'il l'a bien cherché. Mais même si la femme est très belle, il ne nous semble pas qu'il y ait là un exemple de sensualité qui atteigne l'âme du lecteur. Et la progression d'Aglaé sera telle que, plus le temps passera, plus elle s'élèvera vers Dieu. Elle suivra Jésus pour suivre ses enseignantes, quitte à dormir dans une cabane de branchage, où s'infiltrent la pluie et le froid (EMV 124). Jésus s'adressera à elle dans un discours sur la pureté.

(...) Ne pleure pas, âme foulée aux pieds par toute la luxure du monde. Écoute : tu es une loque dégoûtante, mais tu peux redevenir une fleur. Tu es un fumier, mais tu peux redevenir un parterre embaumé. Tu es un animal immonde, mais tu peux redevenir un ange. Un jour tu l'as été. Tu dansais sur les prés en fleurs, rose parmi les roses, fraîche comme elles, exhalant le parfum de ta virginité. Sereine, tu chantais des chansons d'enfant, puis tu courais vers ta mère, vers ton père et tu leur disais : " Vous êtes mes amours. " Et l'invisible gardien qu'a toute créature à son côté souriait devant la blancheur azurée de ton âme...

Et puis, pourquoi ? Pourquoi as-tu arraché tes ailes de petite innocente ? Pourquoi as-tu foulé aux pieds un cœur de père et de mère pour courir vers d'autres cœurs dont tu n'étais pas sûre ? Pourquoi as-tu abaissé ta voix pure en lui faisant prononcer des mots mensongers d'un faux amour ? Pourquoi as-tu brisé la tige de la rose, pourquoi t'es-tu violée toi-même ?

Repens-toi, fille de Dieu. Le repentir est renouvellement, purification, élan vers les hauteurs. L'homme ne peut-il pas te pardonner ? Ton père lui-même ne le pourrait-il plus ? Dieu, lui, le peut. Car la bonté de Dieu ne peut se comparer à la bonté humaine et sa miséricorde est infiniment plus grande que la misère de l'homme. Honore-toi toi-même, en rendant, par une vie honnête, ton âme digne d'honneur. Justifie-toi auprès de Dieu, en ne péchant plus contre ton âme. Fais-toi un nom nouveau auprès de Dieu. Voilà ce qui a de la valeur. Tu es le vice. Deviens l'honnêteté. Deviens le sacrifice. Deviens la martyre de ton repentir. Tu as bien su martyriser ton cœur pour faire jouir la chair. Maintenant, sache martyriser ta chair pour donner une paix éternelle à ton cœur (EMV 123.5).

Voilà ce qu'il se passe généralement dans l'EMV : quand Jésus rencontre un cœur corrompu, il lui offre l'opportunité de se convertir. Une seule chose importe pour le Maître : le salut des âmes, et en conséquence, il invite ceux et celles qui le cherchent à mener une vie sainte, toute centrée sur l'esprit. C'est bien ce dernier qui a de la valeur, car seul l'esprit est immortel, et seul l'esprit a une ressemblance avec Dieu notre Père. Le Sauveur invite donc l'âme à renaître spirituellement, à se parer de toutes les vertus qui mènent vers le Ciel, et il l'invite enfin à se vaincre elle-même, en abandonnant l'égoïsme, la concupiscence, et les vains plaisirs du monde.

Aglaé racontera sa vie à Marie, et ce passage-là peut susciter un légitime dégoût au lecteur qui lit ces lignes (EMV 168). En effet, elle explique tout son parcours et n'épargne rien. Ni ses danses sensuelles au bord de la plage, ni sa fuite avec un patricien romain, ni son apprentissage dans un gymnase romain et sa vie en tant que mime. Mais comme nous l'avons dit dans notre réponse à l'article de l'Osservatore Romano, le discours d'Aglaé est ponctué par son repentir, par ses regrets, ses douleurs et ses larmes. Elle ne prend pas plaisir à raconter sa vie de péché, et le lecteur qui lit ces lignes avec une intention droite comprend à quel point son repentir est profond.

La vie d'Aglaé a été scandaleuse, oui, mais cette grande pécheresse nous montre en contrepartie son vol de colombe vers Dieu. Jésus parlera d'elle à ses apôtres et dira : « Je lui ai rendu la vie, non pas dans ses entrailles mais dans son âme desséchée par le paganisme et par le péché, et je l'ai rendue féconde en justice, en la délivrant de ce qui la retenait, aidé par sa bonne volonté. Et je vous la donne en modèle. Ne vous scandalisez pas. En vérité je vous dis qu'elle mérite d'être citée en exemple et imitée, car il y en a peu en Israël qui ont fait autant de chemin que cette païenne pécheresse pour rejoindre les sources de Dieu » (EMV 398).

Nous pensons ainsi que ce serait une erreur de s'arrêter à sa vie de pécheresse et à sa vie scandaleuse. Au contraire, il faut voir le personnage dans son ensemble : ce qu'elle était, ce qu'est elle est devenue, et là où elle a abouti, avec l'aide du Seigneur et de sa bonne volonté.

Marie-Madeleine

Marie de Magdala, qui est aussi Marie de Béthanie, la sœur de Lazare, est une grande pécheresse lorsque Jésus la rencontre pour la première fois sur le lac de Tibériade (EMV 98). Il la rencontre encore lors des Béatitudes (EMV 174), alors qu'il parle à la foule. Ce passage est un peu long, mais nous pensons qu'il mérite d'être reproduit dans son intégralité pour aller au vif du sujet.

Un grand mouvement se produit dans la foule qui se presse vers le sentier conduisant au plateau. Les gens les plus proches de Jésus se retournent. L'attention se détourne. Jésus cesse de parler et tourne les yeux dans la même direction que les autres. Il est sérieux et beau dans son vêtement bleu foncé, les bras croisés sur la poitrine ; le soleil effleure son visage par le premier rayon qui passe au-dessus du flanc oriental de la colline.

« Faites place, plébéiens, crie une voix d'homme en colère. Faites place à la beauté qui passe »... quatre jolis cœurs tout pomponnés s'avancent ; l'un est certainement un romain car il porte la toge. Sur leurs mains croisées pour faire un siège, ils portent en triomphe Marie de Magdala, encore grande pécheresse.

Elle rit de sa très belle bouche, et rejette en arrière sa tête à la chevelure d'or tout en tresses et boucles retenues par des épingles précieuses et par une lame d'or parsemée de perles qui lui enserre le haut du front comme un diadème et d'où descendent de légères boucles pour voiler ses yeux superbes rendus encore plus grands et plus séduisants par un savant artifice. Ce diadème disparaît ensuite derrière les oreilles sous la masse des tresses qui retombent sur un cou très blanc et entièrement découvert. Et même... le découvert va bien au-delà du cou. Ses épaules sont dénudées jusqu'aux omoplates et sa poitrine beaucoup plus encore. Son vêtement est retenu aux épaules par deux chaînettes d'or. Les manches sont inexistantes. Le tout est recouvert -- si l'on peut dire -- d'un voile qui sert uniquement à mettre la peau à l'abri du bronzage. Ce vêtement est très léger et quand la femme se jette, comme elle fait par cajolerie, sur l'un ou l'autre de ses adorateurs, elle semble se jeter nue sur eux. J'ai l'impression que le Romain est son préféré, car c'est à lui que sourires et coups d'œil s'adressent de préférence, et il reçoit plus souvent sa tête sur son épaule.

« Voilà, la déesse est satisfaite, dit le Romain. Rome a servi de monture à la nouvelle Vénus et c'est là que se trouve l'Apollon que tu as voulu voir. Charme-le donc... mais laisse-nous aussi quelques bribes de tes charmes. »

Marie éclate de rire et se jette à terre d'un mouvement agile et provocant, découvrant des pieds chaussés de sandales blanches avec des fibules d'or et une grande partie de la jambe. Puis couvrant le tout, son vêtement est très ample, fait de laine fine comme le voile et très blanche, retenu à la taille mais très bas, à la hauteur des hanches, par une ceinture à boucles d'or dénouées. Et la femme se dresse comme une fleur de chair, une fleur impure, éclose par quelque sortilège sur le plateau vert où se trouvent quantité de muguets et de narcisses sauvages.

Elle est belle plus que jamais. Sa petite bouche pourpre ressemble à un œillet qui se détache sur la blancheur d'une denture parfaite. Son visage et son corps pourraient satisfaire le peintre ou le sculpteur le plus difficile tant pour les teintes que pour les formes. Large de poitrine avec des hanches bien proportionnées et une taille naturellement souple et fine en comparaison de la poitrine et des hanches, on dirait une déesse -- comme l'a dit le romain --, une déesse sculptée dans un marbre légèrement rosé sur lequel l'étoffe légère se tend sur les côtés pour retomber ensuite en plis nombreux sur le devant. Tout est étudié pour plaire.

Jésus la regarde fixement, et elle soutient effrontément son regard en riant et en se retournant légèrement à cause des chatouilles que le romain lui fait en passant sur ses épaules et sur son sein découverts un brin de muguet cueilli dans l'herbe. Marie, avec un courroux étudié et faux, relève son voile en disant : « Respecte ma pureté », ce qui fait éclater les quatre hommes d'un rire bruyant.

Jésus continue de la fixer. Quand le bruit des éclats de rire s'atténue, comme si l'apparition de la femme avait rallumé la flamme du discours qui s'éteignait, Jésus reprend la parole et ne la regarde plus. Il revient à ses auditeurs, qui paraissent agités et scandalisés par l'événement.

Voici un des extraits qui a pu, potentiellement, déranger les Dominicains. En effet, on voit ici une Marie impudique, effrontée, provocante, qui semble n'avoir peur de rien. Sa tenue, qui n'est même pas décente, a pour unique but de provoquer la sensualité des Romains qui l'accompagnent. Elle est une femme tentatrice, qui ne regrette en rien sa mauvaise vie. Et on peut comprendre que ce passage seul offusque les mœurs. Si on s'arrêtait à ce seul extrait, si on se contentait de lire uniquement ce passage, on pourrait dire qu'il n'apporte rien à l'âme, que c'est offensant à la charité et à la pureté demandée par l'Église. L'intérêt est cependant de lire le chapitre dans son ensemble, ce compris la réaction du Christ, que voici :

Jésus reprend :

« J'ai dit d'être fidèles à la Loi, humbles, miséricordieux, d'aimer non seulement ses frères nés de mêmes parents, mais tous ceux qui sont pour vous des frères parce qu'ils ont la même origine humaine. Je vous ai dit que le pardon est plus utile que la rancœur, qu'il vaut mieux compatir qu'être inexorable. Mais maintenant je vous dis qu'on ne doit pas condamner si on n'est pas soi-même exempt du péché qui nous porterait à condamner. Ne faites pas comme les scribes et les pharisiens : ils sont sévères avec tout le monde, sauf avec eux-mêmes. Ils appellent impur ce qui est extérieur et ne peut souiller que l'extérieur, mais ils accueillent l'impureté en eux, au plus profond de leur cœur.

Dieu n'est pas avec les impurs, car l'impureté corrompt ce qui est la propriété de Dieu : les âmes, et surtout les âmes des petits qui sont des anges répandus sur la terre. (...)

Malheur à vous, riches et jouisseurs ! Car c'est justement parmi vous que fermente la plus grande impureté à laquelle l'oisiveté et l'argent servent de lit et d'oreiller ! Actuellement, vous êtes repus. La nourriture des concupiscences vous monte jusqu'à la gorge et vous étrangle. Mais vous aurez faim, une faim redoutable que rien ne rassasiera ni n'adoucira pendant l'éternité. Actuellement, vous êtes riches. Que de bien vous pourriez faire par votre richesse ! Mais vous en faites un mal pour vous comme pour les autres. Vous connaîtrez une pauvreté atroce un jour, lequel n'aura pas de fin. Actuellement, vous riez. Vous vous prenez pour des triomphateurs. Mais vos larmes rempliront les étangs de la Géhenne et elles ne s'arrêteront plus.

Où se niche l'adultère ? Où se niche la corruption des jeunes filles ? Chez celui qui, en plus de son lit d'époux, a deux ou trois lits de débauche sur lesquels il répand son argent et la vigueur d'un corps que Dieu lui a donné sain pour travailler pour sa propre famille, et non pour qu'il s'épuise en ébats écœurants qui l'abaissent plus qu'une bête immonde.

Vous avez appris qu'il a été dit : "Ne commets pas l'adultère." Mais moi, je vous dis que celui qui aura regardé une femme avec concupiscence, que celle qui est allée vers un homme avec un désir impur, a déjà commis l'adultère en son cœur, par ce simple fait. Aucune raison ne justifie la fornication. Aucune. Ni l'abandon et la répudiation d'un mari. Ni la pitié envers une femme répudiée. Vous n'avez qu'une seule âme. Quand elle est engagée avec une autre par un pacte de fidélité, qu'elle ne mente pas, autrement ce beau corps avec lequel vous péchez ira avec vous, âmes impures, dans des flammes qui ne s'éteindront pas. Mutilez-le plutôt, mais ne le tuez pas pour toujours par la damnation. Redevenez des hommes, vous, les riches, cloaques pouilleux du vice, redevenez des hommes pour ne pas inspirer le dégoût au Ciel... »

Marie, au commencement, a écouté avec un visage qui était un poème de séduction et d'ironie, éclatant de temps à autre en rires méprisants. Sur la fin du discours elle devient rouge de colère. Elle comprend que, sans la regarder, c'est à elle que Jésus s'adresse. Sa colère s'enflamme toujours plus. Elle se révolte et, à la fin, n'y résiste plus. Arrogante, elle s'entoure de son voile et, suivie par les regards de la foule qui la méprise et par la voix de Jésus qui la poursuit, elle se sauve à toutes jambes sur la pente en abandonnant des lambeaux de vêtements aux chardons et aux églantiers au bord du sentier. Elle a un rire de rage et de mépris (EMV 174.13-14).

On voit que le Christ, et même l'EMV en général, ne cautionne pas l'impureté, qu'il condamne l'adultère et l'attitude déplacée et impudique de Marie-Madeleine. Ce discours prend le contrepied de ce qui a été présenté au lecteur précédemment, et l'objectif moral, sinon spirituel de l'œuvre, se dessine grâce à la réponse de Jésus.

Du reste, doit-on s'étonner que, dans cette vie de Jésus, le Sauveur rencontre des âmes perdues, loin de Dieu, et prisonnières de Satan ? L'Évangile ne dit-il pas qu'il restait avec des pécheurs et des publicains ? Il faut bien comprendre que ce n'est pas la personne même de Jésus qui est atteinte dans l'œuvre de Maria Valtorta. Jésus en ressort même encore plus beau, plus pur, plus grand, plus divin, pour l'âme du lecteur, car on voit sa chasteté, sa pureté, son amour absolu, sa douceur, sa justice et son humilité. Il est le Bon Berger, mais il est aussi le Maître qui ne cautionne pas une attitude déréglée, plongée dans le vice et le péché.

Est-ce alors l'âme du lecteur qui est atteinte par ces descriptions et ces « nombreuses sensualités » ? Non. Si l'âme a une intention droite en lisant, si elle ne veut pas se complaire en ce qu'elle lit, et si elle repousse, comme n'importe quel pécheur, cette attitude que Dieu condamne, aucune fibre de son être ne sera touchée par ces passages qui dépeignent la lourdeur humaine et l'amour du péché. L'Evangile dit bien : « La lampe de ton corps, c'est l'œil. Donc si ton œil est pur, ton corps tout entier sera pur » (Matthieu 6, 22). Rien ne peut la toucher, si celle-ci est vigilante, alerte, et qu'elle recherche avant tout la vertu et la pratique du Bien.

Est-ce que tous les pécheurs que rencontrera Jésus se convertiront ? Non. Et il y en a beaucoup. Doras, Sadoq, Ismaël, les Romains qui se vautrent dans des orgies et d'autres personnages encore préféreront rester dans leur péché plutôt que de suivre la sainteté présentée par Jésus. Mais le fait que Maria Valtorta n'exclue aucun détail nous semble augmenter la vraisemblance de l'œuvre : elle dépeint ce qu'elle voit, le bien comme le mal, les saints comme les pécheurs, les justes comme les injustes. Il serait plus inquiétant que Jésus soit entouré uniquement de personnes moralement bonnes. L'écrivain ne tombe pas dans cet écueil, d'une part, parce que nous estimons qu'elle a réellement eu des visions : elle ne les a pas inventées de toute pièce. D'autre part, parce qu'une de ses missions est de dépeindre la réalité telle qu'elle est, et Jésus lui demande bien d'être précise dans ces contemplations qui lui sont offertes.

Le cas de Marie-Madeleine peut difficilement être résumé par un ou deux extraits : il faudrait suivre tout son cheminement pour bien comprendre la complexité de ce personnage, ainsi que sa métamorphose en chrétienne. Mais même s'il s'agit là d'une pécheresse impure, éhontée, l'œuvre de Maria Valtorta ne cautionne jamais une telle attitude, et le Christ aura le même discours durant toute sa vie publique. Quand il ne peut convertir une âme, et quand ses paroles de miséricorde ne peuvent changer un cœur, il ne tergiverse pas et dit la Vérité telle qu'elle est, même si cela doit lui nuire.

Des hommes et des femmes sensuels, prisonniers du péché, il y en a donc dans L’Évangile tel qu’il m’a été révélé. Cela peut scandaliser les âmes qui lisent ces extraits, et légitimement les dégoûter de la bassesse humaine. Mais si l'auteure parle de ces passages, elle les énonce pour ensuite se concentrer sur Jésus, ses actions, ses paroles, et ce dernier essaie, autant que faire se peut, de préserver la pureté des âmes quand celles-ci ne sont pas totalement abandonnées à l'égoïsme et à l'orgueil. Il faut donc avoir une vision d'ensemble, et ne pas s'arrêter sur quelques passages qui, pris individuellement, dépeignent l'impureté, le vice et le péché.