Contradiction n° 3 : Notre-Dame se fâche, crie et délire « presque » après la mort de son Fils

La contradiction relevée par les Dominicains concerne probablement la mise au tombeau et l'angoisse spirituelle de Marie. Il n'est pas facile de choisir un extrait en particulier, car pour bien comprendre la douleur de la Mère de Dieu dans les écrits valtortiens, il est plus profitable de lire plusieurs chapitres de l'œuvre après la Passion du Christ. Si le lecteur est intéressé, nous lui conseillons d'aller lire l'EMV 61021 ainsi que l'EMV 61222, qui reprennent respectivement la mise au tombeau et les lamentations de la Vierge. Nous l'invitons également à lire les chapitres où Marie soutient l'Eglise et raffermit les apôtres (EMV 61423), ce qui montre bien qu'elle ne fait pas que pleurer sur la mort de son Fils.

Pour faire simple, Marie prend soin du corps de Jésus au tombeau et a le cœur torturé. Elle doit surtout affronter le scepticisme de son entourage qui ne croit pas si ardemment que ça à la Résurrection du Christ. Il lui faut croire pour tous, malgré les tentations de Satan et la lourdeur spirituelle des disciples. C'est là tout le combat qu'elle doit mener.

Lors de la mise au tombeau, Marie ne cherche pas à être diplomate et subtile. Ce qu'elle dit, elle le pense, et elle ne prend pas de gant avec Nicodème, Joseph d'Arimathie, Jean et Marie-Madeleine. Elle fait entendre sa voix et va contre le bon sens du monde, qui voudrait simplement embaumer son Fils et fermer le tombeau. La Vierge est tellement sûre de sa Résurrection prochaine que, dans sa douleur, elle veut rester dans le tombeau avec lui et considère inutile de l'envelopper dans des linges. C'est sans doute là que le bat blesse chez les Dominicains, qui estiment que Marie se fâche et délire presque après la mort de Jésus.

Nicodème et Joseph s'approchent et placent sur une sorte de siège, de l'autre côté de la pierre, des vases, des bandes, un linceul propre et un bassin rempli d'eau, me semble-t-il, ainsi que des tampons de charpie.

À cette vue, Marie demande à haute voix :

« Que faites-vous là ? Que voulez-vous ? Le préparer ? Pourquoi ? Laissez-le sur les genoux de sa maman. Si j'arrive à le réchauffer, il ressuscitera plus tôt. Si j'arrive à consoler le Père et à le consoler lui de la haine déicide, le Père pardonnera plus tôt, et lui reviendra plus tôt. »

La Douloureuse délire presque.

« Non, je ne vous le donnerai pas ! Je l'ai donné une fois, une fois je l'ai donné au monde et le monde n'en a pas voulu. Il l'a tué parce qu'il ne voulait pas de lui. Maintenant, je ne le donne plus ! Que dites-vous ? Que vous l'aimez ? Bon ! Mais pourquoi ne l'avez-vous pas défendu ? Vous avez attendu, pour lui dire que vous l'aimiez, qu'il ne puisse plus vous entendre. Quel pauvre amour que le vôtre ! Mais si vous craigniez le monde au point de ne pas oser défendre un innocent, vous deviez au moins me le rendre, à moi, sa Mère, pour lui permettre de défendre son Enfant. Elle savait qui il était et ce qu'il méritait. Quant à vous... vous l'avez eu pour Maître, mais vous n'avez rien appris. N'est-ce pas vrai ? Est-ce que je mens ? Mais vous ne voyez pas que vous ne croyez pas à sa Résurrection ? Vous y croyez ? Non. Pourquoi êtes vous là, en train de préparer bandes et aromates ? Parce que vous estimez que c'est un pauvre mort, aujourd'hui glacé, demain décomposé, et c'est pour cela que vous voulez l'embaumer. Laissez là vos pommades. Venez adorer le Sauveur avec le cœur pur des bergers de Bethléem. Regardez : dans son sommeil, c'est seulement un homme fatigué qui se repose. Comme il s'est fatigué de son vivant ! Il s'est exténué jusque dans ces dernières heures !... Maintenant, il repose. Pour moi, pour sa Maman, ce n'est qu'un grand Enfant épuisé qui dort. Son lit et sa chambre sont bien misérables, mais son premier berceau n'était pas plus beau, ni sa première demeure plus plaisante. Les bergers adorèrent le Sauveur pendant son sommeil d'enfant. Vous adorez le Sauveur pendant son sommeil de triomphateur de Satan. Alors, comme les bergers, allez annoncer au monde : " Gloire à Dieu ! Le Péché est mort ! Satan est vaincu ! Paix sur la terre et dans les Cieux entre Dieu et l'homme ! " Préparez les chemins pour son retour. Je vous envoie, moi que la maternité rend prêtresse rituelle. Allez. J'ai dit que je refuse. Je l'ai lavé de mes larmes, et cela suffit. Le reste est inutile, et ne vous imaginez pas le mettre sur lui. Il sera plus facile pour lui de se relever s'il est dégagé de ces bandes funèbres et inutiles. Pourquoi me regardes-tu ainsi, Joseph ? Et toi, Nicodème ? L'horreur de cette journée vous a-t-elle rendus hébétés ? Avez-vous perdu la mémoire ? Ne vous le rappelez-vous pas ? " À cette génération mauvaise et adultère qui cherche un signe, il ne sera donné que le signe de Jonas... De même, le Fils de l'homme restera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. " Ne vous en souvenez-vous pas ? " Le Fils de l'homme va être livré aux mains des hommes qui le tueront, mais le troisième jour il ressuscitera. " Ne vous le rappelez-vous pas ? " Détruisez ce Temple du vrai Dieu et en trois jours je le ressusciterai. " Ce Temple, c'était son corps. Tu hoches la tête ? Tu me plains ? Tu me crois folle ? Mais comment ? Il a ressuscité des morts, et il ne pourrait pas se ressusciter lui-même ?

Marie dit ainsi haut et fort ce qu'elle pense, dans un long monologue, et si Marie-Madeleine parvient à la raisonner, en l'incitant à quitter le tombeau pour soutenir l'Eglise naissante, la douleur de la Vierge n'en n'est pas moins réelle. En outre, elle se sent spirituellement attaquée par Satan, qui veut étouffer sa foi, la faire douter et la plonger dans le désespoir.

Ce monologue de Marie, qui est du reste assez long, aussi bien l'EMV 610 et que l'EMV 612, peut déranger les personnes les plus attachées à l'Évangile. En effet, dans le Nouveau Testament, il n'existe aucun de ces détails. Marie est silencieuse et ne réagit pas. Pourtant, on ne peut pas croire que son cœur ne fut pas torturé par la douleur. Et on ne peut la croire amorphe face à la mort de Jésus. Au fond, le fait qu'elle exprime sa souffrance au travers de l'EMV est-il si dérangeant ? Pourquoi regretter qu'elle reprenne les disciples ou que, dans son amour douloureux, elle veuille même rester dans le tombeau ? Certes, cela est insensé humainement parlant, mais c'est uniquement parce qu'elle a la conviction que son Fils va revenir d'entre les morts qu'elle veut rester près de lui et réparer l'ingratitude de tous les hommes.

Du reste, l'œuvre de Maria Valtorta permet aux lecteurs qui la lisent de comprendre toute la douleur de Marie, et ce n'est pas un fait nouveau. On apprend, dès la Visitation à Élisabeth que l'épouse de Joseph redoute ce qu'il va arriver à son enfant. Plus loin, on apprend que le glaive prophétisé par Siméon ne l'a pas transpercée qu'au Golgotha. Elle aussi a souffert tout au long de sa vie, parce qu'elle comprenait, ou du moins devinait quel serait le sacrifice du Rédempteur (EMV 436.5). Elle se doutait donc du chemin douloureux de son Fils et Marie, sa Mère, la Sainte de Dieu, la nouvelle Ève, la Co-Rédemptrice, ne pouvait que partager sa souffrance et avancer avec lui sur le chemin de victime.

L'extrait que nous avons cité précédemment ne le montre pas, mais la plus grande douleur de Marie, après la Passion, fut d'éprouver l'abandon de Dieu et un intense sentiment de solitude. Elle fut ainsi livrée aux tentations du démon mais aussi aux doutes des hommes, y compris des apôtres et des disciples. Pourtant cette heure de ténèbres était voulue par Dieu, et dans une dictée, Jésus déclare :

La Mère n'est pas différente du Fils. Ni dans la nature humaine, ni dans la mission surhumaine de Rédemption.

Le Fils, pour toucher au sommet de la douleur dut éprouver la séparation du Père : à Gethsémani, sur la croix. Ce fut la douleur portée à des hauteurs et des rigueurs infinies. La Mère, pour toucher au sommet de la douleur dut éprouver la séparation du Fils : pendant les trois jours de ma sépulture.

Marie fut alors seule. Il ne lui resta que la foi, l'espérance, la charité. Mais moi j'étais absent. L'épée ne fit pas que s'enfoncer au fond de son cœur ; elle le lui transperça, le lui fouilla. Marie n'en mourut point uniquement par la volonté de l'Éternel. Parce que, pour celle qui était Pleine de Grâce, rester privée de l'union avec son Fils et Dieu était une telle douleur que, sans une grâce spéciale, Elle en serait morte.

Nombreuses sont les pages secrètes que vous ne connaissez pas sur la vie de la très pure Co-Rédemptrice. Je vous l'ai déjà dit : 'Les secrets de Marie sont trop purs et divins pour que l'esprit humain puisse les connaître'. Je vous en dis juste assez pour augmenter en vous la vénération envers la plus Sainte du Ciel, après Dieu.

Cette heure d'immense douleur, dans la mer de douleurs que fut la vie de ma Mère, consacrée à la souffrance suprême et à la joie suprême de sa conception, était nécessaire pour compléter ce qui manquait à ma passion.

Marie est Co-Rédemptrice. Par conséquent, tout en elle étant inférieur seulement à Dieu, sa douleur aussi dut être telle qu'aucune douleur humaine ne pourra jamais l'égaler (2 juillet 1943).

Jésus seul sauve les âmes, mais Marie, comme tous les autres chrétiens à sa suite, peut prier, se sacrifier, et réparer afin d'amener des âmes à Dieu. C'est un thème qui est profondément développé dans l'œuvre de Maria Valtorta et qu'on trouve déjà dans les paroles de Saint Paul : « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous ; et ce qui manque aux souffrances de Christ, je l'achève en ma chair, pour son corps, qui est l'Eglise » (Colossiens 1, 24). En d'autres termes, le Christ veut et souhaite que nous offrions nos joies comme nos souffrances à Dieu, en vue de s'unir à sa Passion et de sauver les âmes. Marie, qui souffre comme personne après la Passion de son Fils, vit cette heure d'angoisse et offre tout au Père. En agissant ainsi, en donnant au Seigneur ses larmes, ses peines, ainsi que toute ses souffrances, elle aide d'autant plus Jésus à sauver toutes les créatures. Mais il est difficile d'imaginer l'intensité de sa douleur. Dans l'EMV 610.16, Jésus dit :

« La torture de Marie a continué par des assauts périodiques jusqu'à l'aube du dimanche. J'ai eu, dans la Passion, une seule tentation. Mais ma Mère, la Femme, a expié pour la femme, coupable de tout mal, de très nombreuses fois. Et Satan s'est acharné sur la Victorieuse avec une férocité décuplée.

Marie l'avait vaincu. Elle a connu la plus atroce tentation. Tentation contre sa chair de Mère. Tentation contre son cœur de Mère. Tentation contre son âme de Mère. Le monde s'imagine que la Rédemption s'est achevée avec mon dernier soupir. Non. Ma Mère l'a accomplie, en y ajoutant sa triple torture pour racheter la triple concupiscence, en luttant pendant trois jours contre Satan qui voulait l'amener à nier ma Parole et à ne pas croire en ma Résurrection. Marie fut la seule qui continua à croire. Si elle est grande et bienheureuse, c'est aussi en raison de cette foi.

Tu as aussi connu cela, ce tourment qui fait écho à mes angoisses de Gethsémani. Le monde ne comprendra pas cette page. Mais "ceux qui sont dans le monde sans être du monde" la comprendront et leur amour pour ma douloureuse Mère en sera renforcé. C'est pour cela que je te l'ai donnée.

Va en paix avec notre bénédiction. » (EMV 610.16).

Alors est-ce Marie se fâche ? Il est certain qu'elle n'est pas tendre avec ceux qui l'accompagnent au tombeau, et l'extrait que nous avons mis tend à le prouver. Mais d'autre part, sa foi ne faiblit pas, son espérance reste intacte, et elle réussit à exercer la charité comme jamais en réunissant l'Eglise naissante durant ces trois longs jours d'attente.

Est-ce que Marie délire presque ? Même Maria Valtorta l'écrit. Mais seul le Christ l'a dépassée dans la douleur, et cette souffrance atteint des sommets inégalables. Comme nous l'avons dit, elle est attaquée par Satan et par les doutes des hommes. Tout semble lui dire que son Fils ne ressuscitera pas. Nous pensons néanmoins que ça ne discrédite pas le personnage de Marie, que son attitude n'est ni offensante, ni pure affabulation de la part de Maria Valtorta.

La Mère a vraiment souffert et a participé à la rédemption de l'humanité en offrant tout à Dieu. Bien sûr, encore une fois, seul Jésus sauve. Seul le Christ efface nos péchés et les absout par son Sang. Mais chaque chrétien, dont Marie, la Toute-Pure, peut aider le Seigneur à sauver les âmes, et c'est précisément ce qu'elle a fait, durant ces trois jours atroces où son Cœur immaculé a été persécuté par les hommes, par le monde, par Satan.

Notes de bas de page

21 EMV 610 -- Mise au tombeau.
22 EMV 612 -- La lamentation de la Vierge.
23 EMV 614 -- Le jour du samedi saint.