Une opinion extravagante et inexacte sur le péché d'Adam
Observation n° 13 : On trouve, au sujet du péché d'Adam et Ève, une opinion plutôt extravagante et inexacte.
On regrette le manque de précision des censeurs. Si nous avions eu l'extrait qu'ils dénoncent, cela aurait facilité notre recherche et notre contre-argumentation. On peut néanmoins supposer, sans en être certain, qu'ils parlent de l'EMV 17. Dans cette dictée, Jésus parle d'Adam et d'Ève.
Dieu avait dit à l'homme et à la femme : « Vous connaissez toutes les lois et tous les mystères de la création. Mais n'essayez pas de m'usurper le droit d'être le Créateur de l'homme. Mon amour, qui circule en vous, suffira à la propagation de la race humaine, sans luxure ; le seul mouvement de la charité suscitera les nouveaux Adam de la race humaine. Je vous donne tout. Je me réserve uniquement ce mystère de la formation de l'homme. »
Satan a voulu retirer à l'homme cette virginité intellectuelle ; de sa langue de vipère, il a flatté et caressé les membres et les yeux d'Ève, provoquant en elle des réflexes et une excitation qu'ils n'avaient pas avant, quand la malice ne les avait pas encore intoxiqués.
Elle « vit ». Elle voulut essayer. C'était l'éveil de la chair. Ah, si elle avait appelé Dieu ! Si elle avait couru lui dire : « Père ! Je suis malade. Le Serpent m'a caressée et le trouble est en moi. » Le Père l'aurait purifiée et guérie par son souffle : de même qu'il lui avait infusé la vie, il aurait pu lui infuser une nouvelle innocence en lui faisant oublier le poison du serpent et même en suscitant en elle de la répulsion pour le Serpent, comme cela arrive chez ceux qui, attaqués par une maladie, en gardent une instinctive répugnance. Mais Ève ne va pas vers le Père. Elle revient vers le Serpent. Cette sensation lui est douce. « La femme vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir... Elle prit de son fruit et mangea. »
Alors elle « comprit ». Désormais la morsure du mal était descendue en elle. Elle vit avec des yeux neufs et entendit avec des oreilles nouvelles les mœurs et les voix des brutes. Et elle les désira d'un désir fou.
Elle a commencé seule à pécher, mais elle termina avec son compagnon. Voilà pourquoi une condamnation plus lourde pèse sur la femme. Si l'homme est devenu rebelle à Dieu, s'il a connu la luxure et la mort, c'est à cause d'elle. C'est à cause d'elle qu'il n'a plus su dominer ses trois règnes : celui de l'esprit, puisqu'il a permis que l'esprit désobéisse à Dieu ; celui de la conduite morale, parce qu'il a permis que les passions le dominent ; celui de la chair, parce qu'il l'a rabaissée aux lois instinctives des bêtes. « C'est le serpent qui m'a séduite », dit Ève. « C'est la femme que tu as mise auprès de moi qui m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé », dit Adam. Depuis lors, la triple convoitise s'attache aux trois règnes de l'homme.
Seule la grâce peut desserrer l'étreinte de ce monstre impitoyable. Si elle est vivante, très vivante, si la volonté d'un enfant de Dieu fidèle la maintient toujours plus vivante, elle parvient à étrangler le monstre et à n'avoir plus rien à craindre : ni les tyrans intérieurs -- ceux de la chair et des passions --, ni les tyrans extérieurs -- ceux du monde et des puissants de ce monde --, ni les persécutions, ni la mort. Et, comme dit l'apôtre Paul : « Mais je n'attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j'ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage à l'Évangile de la grâce de Dieu. » (EMV 17.4-6).
Face à cette lecture, l'Osservatore Romano semble conclure -- selon nous -- que le péché originel est vu de la sorte :
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Il y avait une virginité intellectuelle de nos premiers parents, sans aucune luxure d'aucune sorte (spirituelle ou charnelle) ;
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Satan tente Ève, il flatte et caresse « les membres et les yeux d'Ève, provoquant en elle des réflexes et une excitation qu'ils n'avaient pas avant ». L'Osservatore Romano semble en conclure que la chair est éveillée. D'ailleurs, c'est ce que dit ensuite le texte.
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« Elle "vit". Elle voulut essayer. C'était l'éveil de la chair. »
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« Elle comprit » et elle va faire pécher son compagnon. Non contente de sa faute, elle l'entraine dans sa chute : on arrive donc à la luxure.
Selon l'Osservatore Romano, ce passage dit donc que seule la chair est au centre du péché originel. Mais il faut savoir bien lire le texte. Et bien comprendre le passage suivant : « Satan a voulu retirer à l'homme cette virginité intellectuelle ; de sa langue de vipère, il a flatté et caressé les membres et les yeux d'Ève, provoquant en elle des réflexes et une excitation qu'ils n'avaient pas avant ». Nous allons donner notre propre interprétation de cet extrait, étant entendu que le lecteur peut penser autrement et avoir un autre éclairage sur le sujet.
Selon nous, ce trouble ne concerne pas seulement aussi la chair, mais aussi l'esprit.
Lisons donc le texte de la Genèse pour développer notre propos.
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : "Vous ne mangerez d'aucun arbre du jardin" ? » La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : "Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sinon vous mourrez." » Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Genèse 3, 1-5).
Que se passe-t-il en Ève ? Elle se laisse bercer par les paroles de Satan. L'orgueil fermente en elle, puisqu'elle croit pouvoir désobéir en toute impunité ; de plus, elle se laisse convaincre par l'argument du Serpent, qui lui déclare que quand ils mangeront de ce fruit, ils seront « comme des dieux ». Ève est ainsi touchée par l'orgueil et la vanité de connaître plus que ce qui ne lui est permis. Elle croit pouvoir tout faire par elle-même, sans plus se référer au Seigneur. Consumée par l'orgueil, elle désobéit. En désobéissant, elle manque d'amour envers Dieu, qui lui a donné ce commandement pour son bien. Dès lors, sa descente spirituelle est entamée. Si l'orgueil supprime l'amour, l'amour, lui, supprime la confiance et Ève ne se confie plus en la Bonté paternelle de Dieu.
L'épouse d'Adam est donc troublée dans son esprit. Or, une fois que Satan l'a tentée spirituellement, elle peut être également troublée au niveau de ses sens. En effet, si un esprit est fort et bonne santé, il sait garder son corps des passions et lutter efficacement contre elles. Dès lors que l'âme se laisse toucher volontairement par la tentation, et se complait en cette dernière, l'âme peut connaître des passions difficiles à contrôler si elle n'a pas une ferme volonté.
Ève n'a pas la désir de résister aux insinuations de Satan. Il est doux de l'écouter. Il flatte ses yeux, c'est-à-dire son esprit, car rappelons-le, l'œil est le miroir du cœur de l'homme. « Si ton œil est limpide, ton corps tout entier sera dans la lumière ; mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera dans les ténèbres ». Ève se laisse tenter et est enivrée par l'orgueil, qui lui fait croire que tout lui est permis. Elle voit que « le fruit de l'arbre devait être savoureux, qu'il était agréable à regarder et qu'il était désirable, cet arbre, puisqu'il donnait l'intelligence » (Genèse 3, 6). Son regard a donc changé. Il n'est plus innocent et pur puisque son esprit est troublé par les paroles de Satan. Elle voit et c'est seulement alors qu'elle connaît la tentation de la chair. Sa dégradation spirituelle a en effet permis qu'elle connaisse les passions. L'esprit étant atteint, la chair l'est aussi, mais elle ne fait rien pour apaiser cet état de fait. Elle ne court pas vers Dieu pour recevoir son aide. Elle écoute le Serpent, et Satan caresse ainsi ses yeux et ses membres, ce qui comprend et la chair et l'esprit.
Dès lors, elle mange le fruit, et elle en donne à son mari. Ils accomplissent alors un acte de luxure, qui est la gourmandise portée à l'excès, en désirant connaître des choses qui ne leur étaient pas permises. La chair vient dès lors en dernier pour ce qui est du péché originel. Dans une dictée ultérieure, l'Esprit Saint l'explique très clairement :
Le premier acte contre l'amour a été commis par l'orgueil, la désobéissance, la méfiance, le doute, la rébellion et la concupiscence spirituelle. En dernier, il a été achevé par la concupiscence de la chair. J'ai bien dit : en dernier25. Plusieurs pensent le contraire : que l'acte de concupiscence de la chair ait été le premier. Non. Dieu est ordre en toutes choses.
Même dans ses rapports avec la loi divine, l'homme a péché premièrement contre Dieu. Il a voulu être semblable à Dieu. Il a voulu être « dieu » dans la connaissance du Bien et du Mal. Il a voulu une liberté d'agir absolue, donc illicite. Il a voulu la liberté d'agir selon son bon vouloir et plaisir, contre tout conseil ou prescription divine. Deuxièmement, il a péché contre l'amour. Il s'est aimé de façon abusive, en niant à Dieu l'amour révérenciel qui lui revient, en mettant son propre moi à la place de Dieu, et en témoignant de la haine pour son prochain à venir : à sa propre race il a transmis l'héritage de la faute et de la condamnation. En dernier lieu, il a péché contre sa dignité de créature royale, créature qui avait reçu le don de la parfaite maîtrise sur ses propres sens.
Le péché de la chair ne pouvait pas avoir lieu tant que l'état de Grâce et les autres états conséquents étaient encore présents et actifs. Tant que persistait l'innocence, et donc la domination de la raison sur les sens, la tentation sensuelle aurait pu survenir, mais l'homme n'aurait pas consommé la faute sensuelle (Leçons sur l'Épitre de Saint-Paul aux Romains no. 23).
Selon nous, cet extrait de l'EMV 17 ne contient donc pas d'erreur sur la doctrine catholique.