L'absence d'imprimatur
Observation n° 1 : ces volumes n'ont pas le moindre « imprimatur », comme le requiert le Canon 1385, 1 n.2 C.I.C5.
L'argument le plus connu de l'Osservatore Romano est certainement l'absence d'imprimatur (c'est-à-dire l'autorisation d'imprimer) de L'Évangile tel qu'il m'a été révélé. Cet imprimatur est imposé par le droit canonique de l'époque.
§1. Ne peuvent être édités, même par des laïques, sans être passés préalablement par la censure ecclésiastique :
1° Les livres de la sainte Écriture ou leurs annotations et commentaires ;
2° Les livres qui concernent les divines Écritures, la sainte théologie, l'histoire ecclésiastique, le droit canonique, la théologie naturelle, la morale et les autres disciplines de ce genre, religieuses et morales ; les livres et brochures de prières, de dévotion, de doctrine ou de formation religieuse, morale, ascétique, mystique, ou autres ouvrages du même genre, même s'ils paraissent devoir favoriser la piété ; et plus généralement tous les écrits dont le sujet touche à la religion ou à l'honnêteté des mœurs6.
En 1944, le Père Migliorini, confesseur de Maria Valtorta, dactylographie l'œuvre et se met à en diffuser des extraits. En 1946, vraisemblablement vers mars, on lui demande de cesser ces diffusions. Désormais à Rome, il rencontre le Père Berti et ils cherchent à promouvoir l'œuvre. C'est en 1947 que le Père Berti envisage de soumettre les écrits valtortiens au Saint-Père et il arrive à lui transmettre les volumes dactylographiés de l'œuvre par un intermédiaire. Pie XII recevra alors le Père Migliorini, le Père Berti et le Père Andrea Cecchin au cours d'une audience le 26 février 1948. Il leur déclarera :
Publiez l'œuvre telle quelle. Il n'y a pas lieu de donner une opinion quant à son origine, qu'elle soit extraordinaire ou non. Ceux qui liront comprendront.
Cet imprimatur oral est donné. Le Pape veut cependant qu'un imprimatur d'usage soit accordé à l'œuvre, notamment par un évêque italien pour éviter les réactions de « certains prélats hostiles ». On suggère que Mgr Michele Fontevecchia s'en occupe, mais on lui arrache l'œuvre des mains, selon une lettre qui est envoyée à Mgr Carinci7. Enfin, le 29 novembre 1948, le Père Cecchin, Supérieur des Servites de Marie, reçoit un appel du Saint-Office : on lui intime de ne plus s'occuper de l'œuvre et de ne pas la diffuser, auquel cas ils recevront des sanctions.
On s'étonne déjà de l'attitude du Saint-Office : il s'oppose à l'imprimatur oral du Pape. On pourrait leur laisser le bénéfice du doute et supposer qu'ils n'en ont pas encore eu connaissance (nous sommes en 1948 et internet n'existe pas encore). Mais en 1949, les censeurs ne cachent même plus leur attitude hostile envers l'œuvre, puisque le Père Berti est convoqué. Mgr Giovanni Pepe, qui a en charge la censure des livres, et le Père Girolamo Berutti lui interdisent de parler et lui commandent de signer la lettre du Saint-Office ainsi que de leur donner tous les manuscrits en sa possession. « Ici, ils resteront comme dans une tombe » déclare Mgr Pepe. Ces manuscrits sont cependant chez Maria Valtorta. Cette procédure est bien entendu illicite et on ne retrouve pas la moindre trace de cette condamnation dans les Actes du Saint-Siège ni dans aucun document officiel du Saint-Office. De plus, cette entrevue ne semble en aucun cas être officielle, et a l'air de se faire discrètement possible.
En 1950, le Père Cordovani, l'un des plus grands opposants de l'œuvre, meurt sans préavis. Mais l'opposition du Saint-Office demeure. En 1952, une supplique est adressée au Saint-Père : une dizaine de personnalités illustres lui demande de désigner une personne pour qu'elle s'occupe de l'imprimatur8. Mais leur lettre n'arrive jamais au bureau du Saint-Père, elle atterrit plutôt au Saint-Office...
Mgr Biagio Musto souhaite quand même accorder l'imprimatur, mais il subit beaucoup de pression et déclare :
Oh, comme j'aurais volontiers donné l'imprimatur, s'il n'y avait pas eu quelqu'un qui vint l'arracher de ma main ! S'il te plaît, prie Maria (Valtorta) pour moi, confie-t-il plus tard à Marta Diciotti, l'aide de Maria Valtorta9.
En 1956, le cardinal Giuseppe Siri atteste son opinion favorable envers l'œuvre, mais refuse d'assigner son imprimatur, car ce serait une entreprise périlleuse, vu que le Saint-Office a pris l'affaire en main. C'est cette même année que L'Évangile tel qu'il m'a été révélé est publié sous le titre de Poème de l'Homme-Dieu. Les trois premiers volumes sortes et le Saint-Office ne réagit pas tant que le Pape Pie XII est vivant. Le Saint-Père est en effet favorable aux écrits valtortiens et a par ailleurs sanctionné Mgr Pepe, qui avait condamné sans son accord les écrits de Padre Pio. Le Pontife meurt néanmoins deux ans plus tard, en 1958.
En 1959, le quatrième volume du Poème est édité et en décembre, le décret de mise à l'Index de l'œuvre de Maria Valtorta sort définitivement. C'est au mois suivant que l'article de l'Osservatore Romano est publié.
Ce petit résumé a permis de remettre la situation dans son contexte. On peut voir que bon nombre de prêtres ont voulu accorder l'imprimatur et qu'ils étaient au moins favorables à cette révélation privée10 ; de plus, le Pape lui-même s'est prononcé en faveur de la publication de l'œuvre. Onze ans séparent la déclaration du Pontife et la condamnation du Saint-Office : on ne peut penser que les censeurs n'aient pas eu connaissance de l'avis du Saint-Père. Se prononcer contre l'avis du chef de l'Église, qui est clairement énoncé, c'est déjà un manque d'humilité, un manque de confiance, et un manque d'intégrité.
De plus, les pressions qui sont exercées afin qu'aucun imprimatur ne soit accordé montrent une attitude immorale, fallacieuse, et illicite, de sorte que les propos de l'Osservatore Romano perdent tout leur crédit. Il n'y a pas d'imprimatur, certes, à cause des manigances du Saint-Office et de leur pouvoir qu'ils ont exercé à mauvais escient. Il s'agit donc d'une accusation sournoise, qui est de mauvaise foi puisqu'ils ont tout fait pour que l'imprimatur ne soit pas accordé à L'Évangile tel qu'il m'a été révélé.
L'œuvre de Maria Valtorta comporte-t-elle des erreurs sur le fond ? Est-elle un danger pour la foi ? L'Osservatore Romano semble le penser. C'est ce que nous allons voir.