"J'ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l'ai saisi et ne le lâcherai pas."

Le P. Bea n'est pas le seul à avoir jugé l'œuvre de Maria Valtorta comme un livre comportant de beaux passages et faisant preuves de connaissances étonnantes, mais en voulant l'amputer des descriptions et développements qui y figurent. Ce fut le cas de Mgr Carinci, Mgr Ugo Emilio Lattanzi, du P. Roschini dans un premier temps. Ils voulaient rendre cette œuvre conforme à leurs normes de pensée. Alexis Maillard dit aussi poursuivre un objectif similaire. Mais si l'histoire avait donnée une suite à ces vœux, l'œuvre de Maria Valtorta aurait subit le sort des visions de Marie d'Agréda ou d'Anne-Catherine Emmerich, pourtant authentiques, mais dont l'audience a faibli avec les triturations qu'y firent les hommes, bien ou mal intentionnés.

Si Maria Valtorta avait présenté une œuvre dans laquelle Jésus parle savamment de l'union hypostatique et du kérygme, trois lecteurs se seraient intéressés et quatre-vingt dix-sept l'auraient refermé. À l'inverse, une œuvre décrivant Jésus tel qu'il fut historiquement dans sa divinité et surtout son humanité (dans laquelle seule fut obtenue notre Rédemption), sera lue par quatre-vingt dix-sept personnes et jugée sévèrement par trois autres.

Ce postulat trouve sa confirmation dans une des dernières lettres du Pape François (17 juillet 2024). Il s'intéressait à la littérature parlant de Jésus et de son importance dans la formation non seulement des prêtres, mais aussi dans celle des agents pastoraux et de tous les chrétiens27.

Peu de temps auparavant (24 février 2024) il nous avait fait parvenir une lettre d'encouragement dans laquelle il disait: "Je vous encourage à poursuivre avec autant d'engagement votre mission de faire connaître la vie de Maria Valtorta et son œuvre littéraire, en particulier tout ce qu’elle peut offrir pour le bien de l’Église et de la société. En avant !".

Cet encouragement s'éclaire avec la lettre sur le rôle de la littérature que nous venons d'évoquer. Dans ses paragraphes 14 et 15, elle proclame "Jamais de Christ sans chair". Nous les citons très largement tant ils s'appliquent notamment à l'œuvre de Maria Valtorta insérée dans la marche de l’Eglise.

"Permettez-moi, dit le Pape François, de rappeler ici une réflexion sur le contexte religieux actuel : "Le retour au sacré et la recherche spirituelle qui caractérisent notre époque, sont des phénomènes ambigus. Mais, plus que l'athéisme, nous sommes aujourd'hui face au défi de répondre adéquatement à la soif de Dieu de beaucoup de personnes, afin qu'elles ne cherchent pas à l'assouvir dans des propositions aliénantes ou avec un Jésus Christ sans chair". La tâche urgente de l’annonce de l’Évangile à notre époque exige donc des croyants, et des prêtres en particulier, un engagement pour que chacun puisse rencontrer un Jésus-Christ fait chair, fait homme, fait histoire. Nous devons tous veiller à ne jamais perdre de vue la “chair” de Jésus-Christ : cette chair faite de passions, d’émotions, de sentiments, de récits concrets, de mains qui touchent et guérissent, de regards qui libèrent et encouragent, d’hospitalité, de pardon, d’indignation, de courage, d’intrépidité : en un mot, d’amour.

Et c'est précisément à ce niveau qu'une fréquentation assidue de la littérature peut rendre les futurs prêtres et tous les agents pastoraux encore plus sensibles à la pleine humanité du Seigneur Jésus, dans laquelle se répand pleinement sa divinité, et annoncer l'Évangile de manière à ce que tous, vraiment tous, puissent expérimenter combien est vrai ce que dit le Concile Vatican II : "En réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné". Il ne s’agit pas du mystère d’une humanité abstraite, mais du mystère de cet être humain concret avec toutes les blessures, les désirs, les souvenirs et les espérances de sa vie."

Trois-quarts de siècle après, par delà les péripéties d'une œuvre qu'on voulut combattre, détruire ou minimiser, le Pape François semble répondre à Pie XII recommandant de publier l'œuvre "telle quelle" et laissant au lecteur le soin de déterminer son origine 'extraordinaire ou non".

En son temps, Gamaliel donna ce sage conseil au Sanhédrin qui mettait en accusation les apôtres indisciplinés: "ne vous occupez plus de ces gens-là, laissez-les. En effet, si leur résolution ou leur entreprise vient des hommes, elle tombera. Mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez pas les faire tomber. Ne risquez donc pas de vous trouver en guerre contre Dieu28."

En sept décennies, des centaines de milliers de lecteurs se sont saisis, de par le monde, de cette œuvre qu'ils annoncent en partage, à temps et à contretemps. Avec le Cantique des Cantiques 3,4 ils proclament: "J'ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l'ai saisi et ne le lâcherai pas."

François-Michel Debroise,
17 juin 2025