1 - Alexis Maillard
Il n'est pas possible de commenter ici les 428 points qu'A. M. oppose à Maria Valtorta (200 Erreurs Théologiques - 151 Indécences - 39 Erreurs Scientifiques - 18 Vulgarités - 7 Bizarreries - 7 Remarques - 6 Antisémitismes). En effet la réfutation demande un développement de plus grande ampleur qui triplerait les 300 pages de son ouvrage. On se contentera donc de spécimens.
Erreur théologique N°1 (pp. 85-88):
A. M. dénonce ce commentaire de Jésus sur sa rencontre de Ressuscité avec Marie Madeleine : "Je ne me laisse pas toucher par elle. Elle n'est pas la Pure qui peut toucher sans le contaminer le Fils qui revient au Père. Elle a encore beaucoup à purifier par la pénitence, mais son amour mérite cette récompense (...)" (EMV 620.6)
Pour lui Marie Madeleine "a touché Jésus mais qu'il lui a demandé de cesser de le faire." Il cite nombre de traductions à l'appui de son objection et conclut: "Cette première erreur est un bon exemple du naufrage théologique de Maria Valtorta (sic !): elle va écrire des choses directement contraires à ce qui s'est réellement passé dans la vie de Jésus et elle va éloigner ses lecteurs des trésors des commentaires des Pères et Docteurs de l'Église sur l'Évangile."
Que dit Magisterium, IA spécialisée sur cette question ?
"La scène se déroule après la résurrection de Jésus. Marie Madeleine le reconnaît, mais Jésus lui dit: "Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va vers mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu" Plusieurs interprétations de cette phrase existent (...) En résumé, la traduction de "Noli me tangere" dépend de l'interprétation que l'on souhaite privilégier, mais l'idée centrale est que Marie Madeleine doit changer sa façon de percevoir sa relation avec Jésus ressuscité et se concentrer sur la mission qu'il lui confie.
Que dit Maria Valtorta?
La mission que Jésus lui confie est exposée dans le passage cité par A.M. (EMV 620.6). Chacun pourra juger si ce passage cache "les trésors des commentaires des Pères et Docteurs de l'Église sur l'Évangile", et si ce que rapporte Maria Valtorta s'éloigne ou non de l'Evangile dans un "naufrage théologique".
Quant au fait de toucher ou pas qui semble marquer, selon A.M., la frontière entre l'hérésie et l'orthodoxie, on lira la réponse en EMV 619.10.
Erreur théologique N°2 (pp. 87-88):
A.M. pointe l'affirmation "Marie peut être appelée la "puînée" du Père" (EMV 1,2). Le Christ, objecte-t-il, étant le Fils unique du Père, il ne peut avoir de "sœur". C'est une objection que l'on retrouve, dit-il, dans les propos de "Mgr Giovanni Pepe [qui] fait sienne la critique du Père Alberto Vaccari s.j. qui qualifie de grossière absurdité hérétique". Elle est reprise dans l'O.R. (6/1/60) mais avec une mention qui l'exonère d'une "hérésie authentique". D'autres études s'y réfèrent. A.M. ajoute: "Les fausses apparitions aiment embrouiller l'esprit des fidèles sous prétexte de glorifier Marie." On ne sait plus si A. M. est embrouillé ou choqué.
La réponse se trouve dans l'ancienne Liturgie (avant la réforme de 1962). Elle appliquait Proverbes 8,22-35 à la Vierge Marie12. Pour Alberto Vaccari l'interprétation de Maria Valtorta est une grossière absurdité hérétique et A.M. en fait l'objet de son erreur théologique n° 10 (pp. 91-92). Mais ni la Liturgie ni l'œuvre de Maria Valtorta ne sont grossières, absurdes ou hérétiques.
Il suffit de lire le commentaire liturgique que le Bx Dom Prosper Guéranger (1805-1875) en fait pour comprendre toute la profondeur théologique des affirmations de Maria Valtorta en conformité avec l'enseignement "des premiers siècles du christianisme". Dom Guéranger explique notamment: "Le Fils de Dieu, pour être un homme de notre filiation, ainsi que l'exigeait le décret divin, devait naître dans le temps, et naître d'une Mère. Cette Mère a donc été présente éternellement à la pensée de Dieu comme le moyen par lequel le Verbe prendrait la nature humaine; le Fils et la Mère sont donc unis dans le même plan de l'Incarnation; Marie était donc présente comme Jésus dans le décret divin, avant que la création sortît du néant".
Restaurateur de l'ordre des Bénédictins en France, le Bx Dom Prosper Guéranger fut l'inspirateur du puissant "mouvement liturgique" qui demeura jusqu'au Concile Vatican II. Dom Guéranger est connu aussi pour ses catéchèses sur les textes de la Vén. Marie d’Agréda (XVI° siècle), une mystique espagnole qui fut la première à recevoir la vision complète de la vie de Marie. Elle y affirmait l'Immaculée conception, très débattue à l'époque et cause de l'hostilité résolue à son égard de la Sorbonne, entre autres.
Style cucul la praline N°1, 2, 3 et 4 (pp. 302-304)
Par cette expression très familière, A.M. veut dire que le style de Maria Valtorta est ridiculement niais. Pourquoi? Parce qu'elle utilise beaucoup le mot "petit" (sic !) qu'A.M. recense.
A.M. veut donc que Jésus, le "vrai" selon lui, ne parle pas en style "cucul la praline" et parle en grand. Dans la reformulation de l'œuvre de Maria Valtorta qu'il projette, on pourra donc lire: "Et quiconque donnera seulement un verre d'eau fraîche à l'un de ces Grands parce qu'il est mon disciple, en vérité je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense" (Matthieu 10,42) ou "Mais si quelqu'un scandalisait un de ces Grands qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache au cou une meule de moulin, et qu'on le jette au fond de la mer" (Matthieu 18,6); ou encore: "Et le roi leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus Grands de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites" (Matthieu 25,40).
Sur ces quatre "petits" points, A.M. a parfaitement raison, le Jésus de Maria Valtorta est un "petit" qui naît dans une crèche, entre triomphalement dans Jérusalem sur un ânon et lave les pieds de ses disciples. Selon St Paul il a même pris "une forme d'esclave, en devenant semblable aux hommes" (Philippiens 2,7).
Erreur théologique N°24 et Indécence N°4 (p. 102)
A. M. considère que l'invocation de Jéhovah en EMV 10.6, est "une indécence contre la Vierge Marie car c'est l'accuser d'avoir gravement péché contre Dieu puisqu'il est formellement interdit de prononcer son Nom Très Saint." Il rappelle qu'Alberto Vaccari avait qualifié cela de "pure fantaisie", ce qui est une appréciation différente de la sienne.
Les visions de Maria Valtorta n'ignorent pas ce respect du Nom Divin: "Nous sommes de bons Israélites, et nous craignons Dieu, presque au point de ne pouvoir dire son Nom" rappelle l'apôtre Jacques d'Alphée (EMV 515.2), Cependant les écrits de Maria Valtorta explicitent pourquoi le Tétragramme était prononcé "Jéhovah" par les Galiléens et "Yavhé" par les Judéens (EMV 59.5, note 3). Maria Valtorta note même la vocalise qu'en fait Jésus (EMV 197.5).
Ces connaissances sont-elles une "énorme erreur", une "erreur théologique", "une indécence" ou une "pure fantaisie"? La Bible de Jérusalem mentionne près de 6.000 fois le nom de Yahvé (ou Jéhovah) parce que les prophètes l'avaient prononcé avant de le faire écrire. Il suffira donc de statuer si cette déférence s'appliquait aussi à la vie quotidienne ou seulement à la lecture liturgique. Et si cette "interdiction" aujourd'hui reprise par l'Eglise catholique avait cours au temps de Jésus ou si elle fut postérieure à la destruction du Temple.
L'existence des noms propres théophores (composés à partir du Tétragramme) pose question. Le nom même de Jésus (Josué), YEHOSHUAH (Yeho + Schua) comprend presque intégralement le nom divin YEHO..AH comme le signale par deux fois l'œuvre de Maria Valtorta.
Erreur théologique N°59 et Antisémitisme N°1 (p. 126)
Selon A. M. "Valtorta renouvelle l'accusation antisémite selon laquelle le peuple juif dans son ensemble (souligne-t-il) serait de mauvaise volonté alors que seule la majorité de ses chefs furent responsables l'assassinat de Jésus". Il cite à l'encontre de Maria Valtorta, des extraits du paragraphe n°4 de Nostra Aetate qui réprouve l'attitude qui consisterait à faire porter "indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps" le fait que "Selon le témoignage de l'Écriture Sainte, Jérusalem n'a pas reconnu le temps où elle fut visitée; les Juifs, en grande partie, n'acceptèrent pas l'Évangile, et même nombreux furent ceux qui s'opposèrent à sa diffusion".
A. M. fait un amalgame malheureux. Nostra Aetate vise le regard porté par notre époque sur le témoignage de l'Ecriture et sur le peuple juif contemporain. Maria Valtorta n'a jamais proféré, dans ses écrits propres, de paroles pouvant laisser penser qu'elle était antisémite.
Les 736 personnages nominatifs que les visions de Maria Valtorta mettent en scène, et que A. M. dit connaître, prouvent que l'accusation d'un rejet "dans son ensemble" du peuple juif relève d'une contre-vérité manifeste. Ce Panorama, qui fut étudié en son temps par Mgr René Laurentin13 est le reflet de ce que rapportent les quatre Evangiles.
Il y a suffisamment de passages dans les quatre Évangiles où Jésus déplore l'incapacité du cœur d'Israël à reconnaître sa mission et à accepter le message de paix et de salut qu'il leur offre, qu'il est superflu de les rappeler. Les passages correspondants, dans l'œuvre de Maria Valtorta, pourront être vérifiés.
Cependant la panorama historique que rapporte les visions de Maria Valtorta, mentionne l'animosité et le mépris qui régnait à cette époque entre l'occupant Romain et le peuple Juif, qui lui-même le rendait bien. De même, mépris et animosité se retrouvaient dans les relations, fruits de leur histoire, avec les Samaritains, parfois les Galiléens, les Phéniciens (au nord-est) ou les Philistins (au sud-est). Les quatre Evangiles s'en font écho, parfois de manière allusive. Les écrits de Maria Valtorta les rendent explicites.
L'accusation d'antisémitisme a été reprise, notamment par le P. Dominique Auzenet14. Il se base, pour cela, sur l'affirmation et l'autorité de Sandra Miesel, une américaine auteure d'un article très critique sur Maria Valtorta. Mais l'accusation d'antisémitisme, porteuse d'une charge émotionnelle très forte, ne peut pas être portée contre l'histoire du temps de Jésus qu'on peut tenter d'oublier mais qui ne s'efface pas. L'exigence de vérité nécessite aussi qu'elle soit démontrée par des faits avérés très absents de cette "erreur théologique".