Propos n° 1 : ces révélations peuvent être un « danger » car elles donnent une représentation trop « concrète » de Notre Seigneur. Il existe le danger de trop humaniser le Seigneur et pas suffisamment montrer le visage de Dieu

Le Seigneur est-il trop humanisé dans l'Œuvre ?

Selon Mgr Lefevre, « nous avons avantage à (...) ne pas nous attarder trop aux faits divers de la vie de Notre Seigneur. (...) Ces livres qui se présentent comme des révélations de la vie de Notre Seigneur, à mon sens, peuvent être un danger, parce que justement elles représentent Notre Seigneur d'une manière trop concrète, trop dans les détails de sa vie. (...) Il y a un danger, un grand danger : trop humaniser, trop concrétiser et pas suffisamment montrer le visage de Dieu, dans cette vie de Notre Seigneur. C'est là un danger. »

En lisant cet extrait (toujours tiré de l'article des Dominicains), nous avons l'impression que Mgr Lefebvre fait le reproche suivant. D'une part, cette vie de Jésus lui paraît trop détaillée et peut trop l'humaniser. D'autre part, être plongé dans la réalité de sa vie publique peut trop dissimuler sa nature divine.

Dans un premier temps, cette vie est-elle trop détaillée et est-ce que ça peut détourner le lecteur de l'essentiel ? Il est certain qu'il y a une multitude de personnages, de rencontres, de descriptions, et d'imprévus lors du voyage du Christ en Terre Sainte. La multitude de détails est ainsi un fait avéré : ce n'est pas pour rien que Jean-François Lavère a pu relever des milliers de faits pour les étudier plus en profondeur. L'Œuvre est donc colossale et on est loin du récit concis de l'Évangile. Alors est-ce que cela pourrait servir de distraction à l'âme, sans plus l'élever vers Dieu ?

Non. Qu'on se le dise : dans L’Evangile tel qu’il m’a été révélé, ni les décors, ni les paysages, ni les rencontres avec les personnages secondaires, ni les détails des voyages apostoliques, ne nuisent à la représentation de l'Homme-Dieu. C'est le Christ qui est central, dans cette œuvre de dix tomes, pas le pays de la Palestine, ni ses habitants. On gravite autour de Jésus plus que n'importe qui d'autre. Au mieux, ces « détails de sa vie » peuvent servir à notre méditation, en imaginant ce qu'a été la vie de Jésus. On rejoint alors davantage les exercices spirituels d'Ignace de Loyola. Mais il s'agit surtout d'une base, somme toute très secondaire, qui nous permet simplement de mieux tourner notre regard vers le Sauveur.

Nous comprenons cependant que l'EMV puisse rebuter quelques lecteurs, car Maria prend le temps de décrire ce qu'elle voit, c'est une demande même du Christ. « Plus tu seras minutieuse et précise, plus nombreux seront ceux qui viennent à moi », lui dit-il le 25 janvier 1944. Mais quand bien même ces épisodes et ces descriptions ne sont pas contenus dans le Nouveau Testament, ces passages mettent en lumière les réactions, l'attitude, et l'enseignement du Seigneur dans différents cas de figure. Quand on les examine attentivement, on se rend compte que rien ne va contre la doctrine catholique, ni même contre l'enseignement de l'Église. Il n'y a donc pas lieu, selon nous, de s'en offusquer.

Cela nous ancre ainsi davantage dans la réalité, mais jamais le lecteur n'est invité à lire une dissertation sur la maison de Nazareth ni à suivre tout ce qui vit le petit paysan de Judée ou de la Samarie. Ce serait alors hors sujet ou sacrément redondant. Cette œuvre, à l'inverse, nous centre vraiment sur l'Homme-Dieu, et cela nous permet d'aborder le second point de cette partie : est-ce que Jésus est trop humanisé par cette Œuvre ? Autrement dit, est-ce que l'EMV le présente trop comme un homme parmi les hommes ?

Dans un deuxième temps, est-ce que Jésus est trop humanisé par cette Œuvre ? Autrement dit, est-ce que l'EMV le présente trop comme un homme parmi les hommes ? 26

L'homme est fait de sentiments et connaît toute une série de joie et d'épreuves. Dans L’Évangile tel qu’il m’a été révélé, nous voyons justement toutes les difficultés et toutes les joies du Christ. Nous voyons sa douceur en apportant la guérison aux malades. Nous voyons sa joie à la conversion des pécheurs. Nous voyons sa patience de Maître lorsqu'il doit éduquer ses apôtres aux préceptes évangéliques. Nous voyons son caractère de pasteur quand il fait des discours aux foules. Nous le voyons tenté par Satan et ses ennemis. Nous le voyons pleurer face à la mauvaise attitude de Judas et nous le voyons avoir mal face à l'opiniâtreté de ses adversaires. Nous le voyons prier, supplier le Père. Nous le voyons rajeunir en étant en compagnie des enfants, et bien sûr, nous le voyons heureux lorsqu'il se retrouve avec sa Mère.

Alors est-ce que nous voyons le Christ sous toutes ses facettes ? Certainement. Nous le suivons pendant près de 652 chapitres, ce qui permet de dresser un portrait de Jésus dans l'EMV. Mais, aussi fou que cela puisse paraître, plus son humanité se dévoile, plus nous voyons sa divinité resplendir. Car le Seigneur aime. Le Seigneur est doux. Le Seigneur est patient. Mais tous ses actes, tout ce qu'il ressent, tout ce qu'il fait, tout ce qu'il dit, est empreint d'une dignité telle que ce Sauveur ne peut être que l'Homme-Dieu présenté par les Évangiles. C'est ainsi que nous l'avons lu, et c'est ainsi que nous l'avons ressenti.

L'homme n'est pas fait que de sentiments : il est aussi libre. Or, la liberté, Jésus la possède. Il peut prendre des décisions lui-même. Par exemple, lorsqu'il se trouve à la Belle-Eau, une maison prêtée par Lazare, le Sauveur reçoit une lettre de sa Mère qui lui donne quelques nouvelles qu'elle a reçues récemment. Maria décrit bien qu'il est plongé dans ses réflexions, puis il décide, en son âme et conscience, que le groupe apostolique doit se déplacer, alors que ce n'était initialement pas prévu dans ses plans (EMV 133). De la même manière, alors que Jésus avait pris la décision d'aller à Acor, une prémonition de Jean attire son attention et l'encourage à aller à un autre endroit. Jésus est donc libre de prendre des décisions et de les changer en cours de route. Il a aussi sa propre volonté, ses propres désirs : par exemple, il souhaite de temps en temps s'isoler pour prier seul (EMV 69). Enfin, comme tout homme, il est tenté par Satan, par la chair et par le monde. Il peut même être soumis à la tentation à cause de personnes comme Judas. Mais jamais, au grand jamais, il n'adhère au péché que ce soit dans l'Évangile ou dans l'EMV.

L'homme a un corps de chair. Jésus en a évidemment un dans l'EMV. Son corps qui est soumis à la fatigue, à la chaleur, au froid, à la maladie et a naturellement des besoins, comme celui de s'abreuver et de se nourrir. Ce point nous paraît assez criant, donc nous ne nous y attardons pas.

En dernier lieu, l'homme naît et meurt, ce qui se passe dans l'Œuvre de Maria Valtorta. Jésus naît à Bethléem et il meurt au Golgotha. Ces points nous semblent tellement véridiques que là encore, nous n'insistons pas sur ce sujet.

Jésus est donc humain dans tous les sens du terme. Ce qui pourrait, selon Mgr Lefebvre, dissimuler sa nature divine, car il serait "représenté de façon trop concrète". Or, côtoyer le Sauveur durant des centaines de pages ne montre pas une figure dévoyée, appauvrie, trop humaine du Rédempteur.

Au contraire, il n'y a pas besoin d'aller bien loin pour voir resplendir sa nature parfaite d'Homme-Dieu. Son humanité et sa divinité rayonnent dès lors que son amour se répand sur ses disciples, sur ses apôtres, sur toute la Création. Son humanité et divinité se manifestent quand il guérit les malades, les lépreux, les pécheurs. Son humanité et sa divinité resplendissent quand on l'écoute, avec une âme véritablement ouverte et attentive, pour enseigner le peuple d'Israël et l'amener sur la loi de la charité. Tout au long des dix tomes, le Christ reste fidèle à lui-même : il prêche la Parole, il enseigne la voie de l'Évangile, il résiste aux tentations, il guérit, il annonce le Royaume de Dieu, et il promet le Ciel aux âmes de bonne volonté. Nous le voyons avoir mal ? Nous le voyons souffrir ? Nous le voyons dans son humilité ? Nous le voyons faire des miracles ? Mais c'est justement cela qui nous fait encore plus nous abaisser, encore plus comprendre la réalité du Nouveau Testament. C'est justement cela qui nous fait dire : « Cet Homme que je vois, ces paroles que j'entends, résonnent en mon cœur, et me rappellent cette même Voix des Évangiles. Il n'y en a qu'une. C'est le même ton. Le même Jésus. Le même Esprit. »

Si sa Divinité peut être voilée par le voile de son Corps très saint, de la même manière que la Sainte Hostie cache à nos yeux matériels la splendeur de sa Face, le lecteur de l'EMV ne peut néanmoins guère avoir de doutes sur le caractère divin de Jésus. En effet, quand cela nécessaire pour les gens qu'il rencontre, Jésus ne cache pas qu'il est le Verbe de Dieu, la Parole faite chair. Mais plus que ses paroles, ses actions, ses œuvres et ses miracles résonnent avec force tout au long de l'œuvre. Il y a des dizaines et des dizaines de prodiges dans L’Évangile tel qu’il m’a été révélé. On ne peut donc réduire Jésus et dire que son humanité cache sa divinité. Non. Ses deux natures sont en harmonie parfaite. Jésus est parfaitement Homme parce qu'il assume pleinement son côté humain ; de plus, il est tenté, et a une volonté propre, une liberté absolue, sans contrainte de la part de son Père. Mais il est aussi parfaitement Dieu et en tout point, le Christ est uni au Père et à l'Esprit saint. Les différentes épiphanies de la Sainte Trinité le montrent, comme dans l'Évangile canonique, mais on ressent également sa divinité dans ses prières et dans sa sainteté inégalée, infinie, qui resplendit dans l'Œuvre.

La nature divine et la nature humaine du Fils de Dieu

Afin d'aller plus loin sur le sujet, nous proposons de nous arrêter sur la leçon n°1 de Leçons de l'épitre de saint Paul aux Romains, qui s'arrête sur les versets suivants 3-4 du chapitre 1 de l'épitre de saint Paul aux Romains : « Paul, serviteur du Christ Jésus, apôtre par vocation, mis à part pour annoncer l'Évangile de Dieu, que d'avance il avait promis par ses prophètes dans les saintes Écritures, concernant son Fils, issu de la lignée de David selon la chair, établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection des morts, Jésus Christ notre Seigneur ».

L'Auteur Très-Saint dit :

"Déclaré Fils de Dieu par sa propre vertu". Laquelle ? Unique ? Multiple ? De quelle nature ? Je vais te le dire.

Premièrement : de nature divine.

Le Fils du Père est Dieu comme le Père, et le fait d'avoir pris une chair humaine n'a pas détruit ni suspendu son union avec le Père dont il est engendré. En lui le Père se complaît. Aussi, le Fils de Dieu ne cesse pas d'être Dieu pour avoir assumé une nature d'homme. Engendré par le Père, par l'expansion naturelle de l'Amour parfait qui par sa nature a besoin d'aimer, et qui par sa dignité a besoin d'aimer une Perfection infinie égale à la sienne - tout autre amour de Dieu, exception faite pour celui de la très Bienheureuse, notre amour, est une bienveillance de Dieu - lui seul, avec son amour de Fils, et de Fils de Dieu, satisfait Dieu avec un amour digne de lui. (...)

Le Verbe ne cesse pas d'être Dieu du fait qu'il s'est fait Homme. Sa divinité, son éternelle Nature, n'est pas avilie par l'Humanité dont il s'est revêtu. C'est plutôt l'Humanité qui, grâce à son union avec la Divinité, se trouve élevée à la perfection sans toutefois perdre sa nature. Les prodiges accomplis par le Christ le prouvent. Le Père toujours avec le Fils. Le Fils toujours Dieu comme le Père. Car la Divinité ne peut pas être fractionnée, ni changer de nature par suite d'un abaissement en une nature inférieure à la nature divine. Cette division n'est qu'apparente.

Jésus-Christ est donc Fils de Dieu par sa Nature divine, étant le Verbe engendré par le Père, étant le Verbe qui s'est incarné par l'œuvre de l'Esprit Saint pour le salut de l'humanité.

Deuxièmement : Jésus-Christ s'est déclaré aussi Fils de Dieu en sa nature humaine, vertueuse d'une manière parfaite.

Jésus-Christ, le Fils engendré au Père dans la descendance de David, avait une volonté libre, et comme Dieu, et comme homme. Ses actions témoignent de cette libre volonté, car il les a accomplies selon ce qu'il voulait, quand il voulait, et sur qui il le voulait. Ni les éléments ni les créatures ne purent s'opposer à sa volonté qui était parfaite de la liberté propre à Dieu.

Ils ne le pouvaient. Une seule fois cela fut possible. Mais alors cela se produisit parce que le Fils de Dieu n'a pas trahi sa mission. Il n'abusa pas de sa libre et puissante volonté pour fuir la mort de la croix. L'eût-il fait, il aurait volé, abusé, prévariqué de son pouvoir infini de Fils de Dieu. Et il serait devenu comme Lucifer, plus rebelle encore que Lucifer.

Mais le Christ ne fut jamais rebelle. Rien ne le rendit tel, pas même l'humaine et naturelle répugnance au supplice. La Volonté du Père était au-dessus de sa volonté libre. Le Fils divin très parfait ne tira pas profit de sa Nature égale au Père, mais avec un amour révérenciel il dit toujours à Celui qui l'avait engendré : "Que ta volonté soit faite". Doux et obéissant, il tendit ses poignets aux cordes pour être traîné au sacrifice.

Il eut donc une volonté libre. Mais il l'utilisa pour être parfait en tant qu'homme, comme il était parfait en tant que Dieu.

On dit : "Le Christ ne pouvait pas pécher". Cela serait exact si le Christ avait été uniquement Dieu. Étant la perfection, Dieu ne peut pas pécher. Mais sa deuxième nature est sujette aux tentations. Si elles ne sont pas repoussées, les tentations conduisent au péché. Et contre l'Homme furent lancées de dures tentations. La haine entière était contre lui. Toute la rancœur, toute la peur, toute la jalousie de l'Enfer et des hommes étaient contre lui, contre le Puissant qu'elles sentaient Vainqueur même s'il avait la douceur de l'agneau.

Mais Jésus ne voulut pas pécher. Rendez au Fort la juste reconnaissance de sa force. Il ne pécha pas parce qu'il ne voulut pas pécher. Ainsi, contre toute embûche et tout événement, il témoigna encore d'être Fils de Dieu par cette perfection de sa justice.

Est-ce qu'on ne vous dit pas, à vous aussi : "Soyez dieux et fils du Très-Haut" ? Lui le fut, car dans son humanité, semblable à la vôtre, il fut Dieu et fils du Très-Haut par la justice de chacun de ses actes.

Ô hommes, la Sagesse vous dit que l'affirmation qui établit la filiation divine de Jésus, né de Marie de la descendance de David, en plus d'être prouvée par la parole du Père, les miracles, la parole du Maître, et par sa résurrection, est prouvée aussi par sa domination sur les passions de l'homme et sur les tentations livrées contre l'Homme. Saint par sa nature divine, il voulut être saint aussi selon la nature humaine, vrai Premier-Né de la famille éternelle des fils de Dieu cohéritiers du Royaume des Cieux.

Enfin il s'est révélé Fils de Dieu par sa résurrection spontanée. Dieu : lui, à lui-même, Dieu-Homme, mis à mort par les hommes pour leur salut à eux, une fois le sacrifice consommé, et après avoir donné la preuve certaine d'être mort, il s'est infusé la vie à nouveau. Il se l'est infusée par lui-même, sans l'attente et sans le jugement. Il a ainsi glorifié son Corps, vainqueur de toutes les misères conséquentes au péché originel27.

Cette dictée nous semble remettre en lumière le fait que Jésus est bel et bien l'Homme-Dieu, avec une nature humaine et une nature divine. Nous ne voyons pas l'utilité de rajouter grand-chose, si ce n'est que ce passage souligne un fait que nous n'avons pas encore pris en compte dans notre réponse aux Dominicains : la liberté et la volonté libre du Christ. Le Sauveur pouvait choisir quelles seraient ses actions, ses choix, ses décisions, et étant homme, le Messie pouvait également être tenté. Jésus souligne lui-même ce point dans un chapitre de l'EMV, quand il emmène ses apôtres au massif de la Tentation.

« Ecoutez. Un jour, un homme m'a demandé si j'avais jamais été tenté. Si je n'avais jamais péché. Si, au cours de la tentation, je n'avais jamais cédé. Et il fut stupéfait de ce que moi, le Messie, j'aie demandé, pour résister, l'aide du Père en disant : "Père, ne m'induis pas en tentation." »

Jésus parle doucement, comme s'il racontait un fait ignoré de tous... Judas baisse la tête comme s'il était gêné. Mais les autres sont tellement attentifs à regarder Jésus qu'ils ne s'en aperçoivent pas.

Jésus continue :

« Maintenant vous, mes amis, vous pourrez savoir ce que cet homme n'a appris que succinctement. Après mon baptême -- j'étais pur, mais on ne l'est jamais suffisamment par rapport au Très-Haut, et l'humilité de dire : "Je suis un homme pécheur" est déjà un baptême qui purifie le cœur --, après mon baptême, donc, je suis venu ici. J'avais été appelé "l'Agneau de Dieu" par celui qui, saint et prophète, voyait la Vérité et voyait l'Esprit descendre sur le Verbe et l'oindre de son chrême d'amour, tandis que la voix du Père emplissait les cieux en proclamant : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute ma complaisance." Toi, Jean, tu étais présent quand Jean-Baptiste a répété ces mots... Après mon baptême et bien que je sois pur par nature et par ma personnalité, j'ai voulu "me préparer." Oui, Judas. Regarde-moi. Mes yeux te disent ce que ma bouche tait encore. Regarde-moi, Judas. Regarde ton Maître qui ne s'est pas senti supérieur à l'homme du fait qu'il était le Messie et qui, même sachant qu'il était l'Homme, a voulu l'être en tout, sauf dans la complaisance au mal. Voilà : c'est comme cela. »

Judas a maintenant levé son visage et regarde Jésus, qu'il a en vis-à-vis. La lumière des étoiles fait briller les yeux de Jésus comme si c'étaient deux étoiles éclairant son pâle visage.

80.9 « Pour se préparer à être maître, il faut avoir été écolier. En tant que Dieu, je savais tout. Mon intelligence pouvait aussi me faire comprendre les combats de l'homme par mon intelligence et intellectuellement. Mais un jour, quelque pauvre ami à moi, quelque pauvre fils à moi, aurait pu dire et me dire : "Tu ne sais pas ce que c'est que d'être un homme et d'avoir sentiments et passions." Ç'aurait été un reproche juste. Je suis venu ici, sur ce mont, pour me préparer... non seulement à la mission... mais à la tentation. Voyez-vous ? Là où vous êtes assis, moi je fus tenté. Par qui ? Par un mortel ? Non. Sa puissance aurait été trop faible. J'ai été tenté par Satan, directement.

J'étais épuisé. Voilà quarante jours que je n'avais rien mangé... Mais tant que j'avais été perdu dans l'oraison, tout s'était anéanti dans la joie de parler avec Dieu, plus qu'anéanti : devenu supportable. Je le ressentais comme un désagrément matériel, qui se bornait à la matière seule... Puis je suis revenu au monde... sur les routes du monde... et j'ai ressenti les besoins de tout homme qui vit dans ce monde. J'ai eu faim. J'ai eu soif. J'ai senti le froid vif de la nuit du désert. J'ai senti mon corps brisé par le manque de repos, de lit, et à cause du long chemin accompli dans de telles conditions d'épuisement qu'elles m'empêchaient d'aller plus loin...

Car j'ai une chair, moi aussi, mes amis. Une vraie chair. Et elle est sujette aux mêmes faiblesses qu'éprouvent toutes les chairs. Et avec la chair, j'ai un cœur. Oui. De l'homme, j'ai pris la première et la deuxième des trois parties qui constituent l'homme. J'ai pris la matière avec ses exigences et la sensibilité avec ses passions. Si, par l'effet de ma volonté, j'ai fait plier dès avant leur naissance toutes les passions qui ne sont pas bonnes, j'ai laissé croître, puissantes comme des cèdres centenaires, les saintes passions de l'amour filial, de l'amour de la patrie, des amitiés, du travail, de tout ce qui est excellent et saint. Et ici, j'ai éprouvé la nostalgie de ma Mère éloignée, j'ai ressenti le besoin de ses soins sur ma fragilité d'homme. Ici, j'ai senti se renouveler la souffrance de m'être séparé de la seule personne qui m'aime parfaitement. Ici, j'ai éprouvé la souffrance qui m'était réservée et la douleur de sa douleur, pauvre Maman, qui n'aura plus de larmes tant elle devra en répandre pour son Fils et à cause des hommes. Ici, j'ai ressenti la lassitude du héros et de l'ascète qui, en une heure de prémonition, se rend compte de l'inutilité de son effort... J'ai pleuré... La tristesse... quel appel magique pour Satan ! Ce n'est pas un péché d'être triste si le moment est torturant. Ce qui en est un, c'est de s'abandonner à la tristesse et de tomber dans l'inertie ou le désespoir. Mais Satan arrive tout de suite quand il voit quelqu'un tomber dans la langueur spirituelle.

Il est venu, en habits de voyageur serviable. Il prend toujours un aspect sympathique... J'avais faim... et j'avais mes trente ans dans le sang. Il m'a offert son aide et il a commencé par me susurrer : "Dis à ces pierres de se transformer en pain." Mais, encore avant... oui... encore avant, il m'avait parlé de la femme... Ah ! Il sait bien en parler ! Il la connaît à fond. Il a commencé par la corrompre pour s'en faire une alliée dans son œuvre de corruption. Je ne suis pas seulement le Fils de Dieu. Je suis Jésus, l'artisan de Nazareth. A cet homme qui me parlait alors, me demandant si je connaissais la tentation et m'accusait presque d'être injustement heureux parce que je n'avais pas péché, à cet homme j'ai dit : "L'acte s'apaise par la satisfaction. La tentation repoussée ne disparaît pas, mais se fait plus forte, surtout parce que Satan l'excite." J'ai repoussé la double tentation de la faim de la femme et de la faim de pain. Et sachez que Satan me proposait la première, et il n'avait pas tort, d'après le jugement des hommes, comme la meilleure alliée pour m'imposer dans le monde.

La Tentation, qui n'était pas vaincue par mon : "Ce n'est pas seulement des sens que vit l'homme", m'a alors parlé de ma mission. Elle voulait séduire le Messie après avoir tenté l'homme jeune. Elle me poussa à anéantir les indignes ministres du Temple par le biais d'un miracle... Le miracle, flamme du Ciel, ne se prête pas à se faire cercle d'osier pour qu'on s'en tresse une couronne... Et on ne tente pas Dieu en lui demandant des miracles à des fins humaines. C'est cela que voulait Satan. Le motif présenté était un prétexte ; la vérité était : "Glorifie-toi d'être le Messie", pour m'amener à l'autre concupiscence, celle de l'orgueil.

Pas encore vaincu par mon : "Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu", il a cherché à me circonvenir par la troisième force de sa nature : l'or. Ah, l'or ! Pour ceux qui sont affamés de pain ou de jouissance, le pain est une grande chose, et la femme plus encore. Pour l'homme, l'acclamation des foules compte énormément... Dans ces trois domaines, que de fautes se commettent ! Mais l'or... l'or... Clé qui ouvre, moyen de corruption, c'est l'alpha et l'oméga de quatre-vingt-dix-neuf actions sur cent des hommes. Pour le pain et la femme, l'homme devient voleur. Pour le pouvoir, il va jusqu'à l'homicide. Mais, pour l'or, il devient idolâtre. Le roi de l'or, Satan, m'a offert son or pour que je l'adore... Je l'ai transpercé par les paroles éternelles : "Tu n'adoreras que le Seigneur ton Dieu."

C'est ici que cela s'est passé. »

80.10 Jésus s'est levé. Il paraît plus grand qu'à l'ordinaire dans la plaine qui l'entoure, à la lumière légèrement phosphorescente qui tombe des étoiles. Les disciples se lèvent eux aussi. Jésus continue à parler en fixant intensément Judas.

« Alors sont venus les anges du Seigneur... L'Homme avait remporté la triple victoire. L'Homme savait ce que voulait dire être homme et il avait vaincu. Il était épuisé. Ce combat avait été plus épuisant que le jeûne prolongé... Mais l'esprit dominait... Je crois que les Cieux ont tressailli à mon affirmation complète de créature douée de connaissance. C'est à partir de ce moment, je crois, qu'est venu en moi le pouvoir de faire des miracles. J'avais été Dieu. J'étais devenu l'Homme. Maintenant, triomphant des tendances animales liées à la nature humaine, j'étais devenu l'Homme-Dieu. Je le suis. Et comme Dieu, je puis tout. Comme homme, j'ai l'expérience de tout. Vous aussi, agissez comme moi, si vous voulez faire ce que je fais. Et faites-le en mémoire de moi.

Cet homme s'étonnait que j'aie demandé l'aide du Père et que je l'aie prié de ne pas m'induire en tentation. Par conséquent, de ne pas m'abandonner au risque d'une tentation qui dépasserait mes forces. Je crois que cet homme, maintenant qu'il sait, ne s'en étonnera plus. Agissez-vous aussi de même en mémoire de moi, et aussi pour vaincre comme moi. Quand vous me verrez fort dans toutes les épreuves de la vie, victorieux dans les combats contre les cinq sens, de la sensibilité et des sentiments, ne doutez jamais de ma nature de véritable être humain, et en plus d'être divin. Souvenez-vous de tout cela.

80.11 Je vous avais promis de vous conduire là où vous auriez pu connaître le Maître... depuis l'aube de son jour -- une aube aussi pure que celle qui va se lever -- jusqu'au midi de sa vie, ce midi d'où je suis parti pour aller à la rencontre du soir humain de ma vie... J'ai dit à l'un de vous : " Moi aussi, je me suis préparé. " Vous voyez que c'était vrai. Je vous remercie de m'avoir tenu compagnie dans ce retour à mon lieu de naissance et à mon lieu de pénitence. Les premiers contacts avec le monde m'avaient déjà donné la nausée et découragé. Il est trop laid. Désormais, mon âme s'est nourrie de la moelle du lion : la fusion avec le Père dans l'oraison et la solitude. Je peux retourner dans le monde pour reprendre ma croix, ma première croix de Rédempteur : celle du contact avec le monde, avec le monde où trop rares sont les âmes qui s'appellent Marie, qui s'appellent Jean...

Nous estimons que ce passage met bien en avant le caractère de l'Homme-Dieu. Certains pourraient éventuellement s'offusquer des paroles suivantes : "J'avais été Dieu. J'étais devenu l'Homme. Maintenant, triomphant des tendances animales liées à la nature humaine, j'étais devenu l'Homme-Dieu. Je le suis. Et comme Dieu, je puis tout. Comme homme, j'ai l'expérience de tout. Vous aussi, agissez comme moi, si vous voulez faire ce que je fais. Et faites-le en mémoire de moi."

Dieu est, par essence, Celui qui est. Utiliser le passé pourrait donc sembler inconvenant, dans ce cas précis. Nous pensons cependant que si Jésus sépare distinctement certaines périodes ("J'étais uniquement Dieu", puis "J'étais l'Homme", puis "j'étais devenu l'Homme-Dieu"), c'est pour bien signifier que Dieu est passé par plusieurs états. D'abord uniquement Dieu au Ciel, il a incarné pleinement l'état de l'Homme en s'incarnant sur cette Terre, et a voulu vivre simplement, comme un simple homme, sans aucune manifestation divine, bien qu'il est resté uni au Père Eternel et à l'Esprit Saint. Ensuite, dans le cadre de sa mission, il est devenu l'Homme-Dieu, c'est-à-dire le Messie, le Libérateur capable de miracles car il était temps d'annoncer la Parole sur la Terre.

Jésus reste en tout temps Dieu, mais il est marqué par la nature humaine, et veut totalement assumer celle-ci. Il est donc le Verbe, mais aussi le Nouvel Adam, non marqué par le péché originel. Le Seigneur l'explique encore ici :

Qui étais-je ? Le Verbe incarné. J'étais donc Dieu. Et j'étais donc homme. J'étais vraiment Dieu et vraiment homme. J'étais le Rédempteur, le nouvel Adam, "le premier-né d'entre les morts", comme dit mon Jean qui écrit encore dans son Apocalypse : "Celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang″, et dans son épître : "C'est qu'ils sont trois à rendre témoignage" au ciel : le Père, le Fils, et l'Esprit Saint, et ces trois ne font qu'un ; et ils sont trois à rendre témoignage sur la terre : l'esprit, l'eau et le sang, et ces trois ne font qu'un.

Ils sont trois dans le ciel à témoigner de la nature divine de Jésus, qui est le Christ de sa naissance à sa mort, puis au-delà de la mort et de la résurrection pour les siècles des siècles, sans nulle interruption, comme certains hérétiques ont voulu le soutenir.

Le Père : durant ma vie publique, il me désigne à trois reprises comme son Enfant bien-aimé, celui en qui il met sa complaisance, et sa gloire. Sur le Mont Thabor, la voix du Père éternel fut entendue par trois personnes seulement que, à cause de leur condition de disciples, les négateurs peuvent taxer d'exaltation ou de mensonge ; puis au Jourdain et tout particulièrement à Jérusalem, bondée en raison de l'imminence de la Pâque des pains azymes, où beaucoup de monde --- on pouvait même parler de foule, où se mêlaient Israélites et païens, juifs et prosélytes, disciples et ennemis du Christ --- entendirent le témoignage de mon Père.

Par trois fois, à trois moments et en trois lieux et circonstances, le Père m'a donc rendu témoignage sans jamais se démentir. Or seules les vraies versions restent immuables, alors que les fausses subissent avec le temps des altérations qui en dévoilent l'origine mensongère. Si donc, par trois fois, à trois moments et en trois lieux et circonstances, une Voix, d'une puissance toujours égale et bien différente de la mienne comme de celle de tout autre homme, tonna du haut des cieux pour rendre le même témoignage sur moi, c'est bien le signe que j'étais réellement Dieu, semblable au Père ; ce n'est en effet que d'un Enfant qui soit Dieu comme lui que le Père peut dire se glorifier --- puisqu'il l'a engendré --- et se complaire en lui, en le voyant aussi parfait que lui de par sa nature divine, et parfait par volonté et grâce dans la nature humaine qu'il a assumée.

Le Verbe témoigne de la nature divine du Christ par son enseignement plein de sagesse et par ses actes, dont la nature et la puissance témoignent par eux-mêmes de celui qui prêche le premier et accomplit les secondes : un Dieu.

L’Esprit Saint, quant à lui, en témoigne en se manifestant sous la forme d'une colombe au Jourdain et de feu au Cénacle, à la Pentecôte, pour parachever l'œuvre du Christ, ce qu'il fait en purifiant et en perfectionnant les apôtres en vue de leur ministère, selon ma promesse, et en étant, pour ceux qui savent voir, présent et transparent dans toute parole de sagesse infinie et charitable qui sortait des lèvres du Maître, Jésus Christ. L'Esprit Saint ne vient jamais en aide aux menteurs. Il les abandonne au Père du Mensonge et fuit loin d'eux. En revanche, il est toujours resté à mes côtés, car je suis Jésus Christ Dieu et Homme, comme je l'affirmais.

La divinité de Jésus se manifeste par le témoignage du Père, qui se manifeste à trois reprises. Le Verbe témoigne aussi de sa nature par sa Sagesse et par sa force, par son enseignement qu'il applique, par la puissance qu'il montre à la foule (car aucun homme ne peut faire des miracles tout seul). Or, l'Œuvre de Maria Valtorta montre des dizaines et des dizaines de prodiges, si ce n'est bien plus. Enfin, l'Esprit se manifeste également dans l'EMV, au baptême donné par Jean (les apôtres en parlent durant la vie publique), puis à la Pentecôte. Mais le Paraclet étant l'Amour de l'Amour, on peut croire qu'il accompagnait avec délice la Parole vivante, qui donnait la Vie éternelle aux hommes.

Après avoir parlé de sa divinité, le Christ revient sur son humanité :

Et trois choses rendent témoignage sur la terre à ma véritable humanité : l'esprit que j'ai rendu comme tout un chacun après une pénible agonie, mon sang versé lors de la Passion, et l'eau qui jaillit de mon côté inanimé en même temps que les dernières gouttes de sang de mon cadavre recueilli dans la cavité de mon cœur mort. Vous savez aujourd'hui que seul un vrai corps laisse couler du sang en cas de blessure, et que seul un vrai cadavre montre la séparation de la partie aqueuse du sang --- ce que vous appelez le sérum --- du reste, qui se coagule en caillots ou, du moins, devient plus épais et plus sombre que le sang vivant, si le temps écoulé de la mort à l'écoulement du sang est encore trop court. Mais en ce qui me concerne --- et mon saint suaire est là pour en témoigner ---, j'ai répandu des caillots de sang parce que j'étais déjà mort depuis un certain temps quand je fus blessé au côté, j'étais déjà devenu froid et raide, rapidement, à cause des conditions particulières qui m'avaient conduit à une mort rapide. Il s'ensuit que je suis véritablement homme, comme en témoigne l'apôtre Jean, qui a assisté ma mort.

Paul de Tarse écrit à ceux qui auraient pu le démentir si sa description avait été exagérée ou mensongère : "Celui qui a été abaissé de peu au-dessous des anges, Jésus, nous le voyons couronné de gloire et d'honneur, parce qu’il a souffert la mort : il fallait que, par la grâce de Dieu, au bénéfice de tout homme, il goûtât la mort. Il convenait en effet que, voulant conduire à la gloire un grand nombre de fils, celui pour qui et par qui sont toutes choses rendît parfait par des souffrances le chef qui devait les guider vers leur salut... Puisque donc les enfants avaient en commun le sang et la chair ; lui aussi y participa pareillement afin de réduire à l'impuissance, par sa mort, celui qui a la puissance de la mort... Car ce n'est certes pas des anges qu'il se charge, mais c'est de la descendance d’Abraham qu'il se charge. En conséquence, il a dû devenir en tout semblable à ses frères, afin de devenir dans leurs rapports avec Dieu un grand prêtre miséricordieux et fidèle, pour expier les péchés du peuple. Car du fait qu’il a lui-même souffert par l’épreuve, il est capable de venir en aide à ceux qui sont éprouvés... Nous n'avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d'une manière semblable, à l’exception du péché... Tout grand prêtre... est établi... afin d'offrir dons et sacrifices pour les péchés. Il peut ressentir de la commisération pour les ignorants et les égarés, puisqu'il est lui-même également enveloppé de faiblesse... Oui, tel est précisément le grand prêtre qu'il nous fallait, saint, innocent, immaculé, séparé désormais des pécheurs, élevé plus haut que les cieux."

Par conséquent Saul, qui était cultivé et contemporain des juifs de mon temps, devenu Paul, rempli de sagesse de vérité, connaissant la réalité de mon personnage historique et avec l'aide des lumières de l'Esprit Saint, témoigne lui aussi que je suis vrai Dieu et vrai Homme, égal au Père de par ma nature divine et in créée, égal à ma Mère de par ma nature humaine et créée, Christ sans interruption et Réparateur, Sauveur, parfait Rédempteur pour l'éternité.

Le Christ a totalement assumé notre humanité en mourant et en naissant comme n'importe quel être humain. C'est un point que nous avons peu soulevé et qu'il nous semblait bon de mettre en évidence. Jésus revient ensuite sur un second point : la tentation.

Si donc j'étais Homme, pourquoi n'aurais-je pas dû subir les tentations comme tout un chacun ? Si le Père a voulu me rendre "en tout semblable" à vous, pourquoi aurait-il dû m'accorder l'injuste privilège de ne pas connaître la souffrance et l'effort des tentations --- et pourquoi aurais-je dû y prétendre ---, alors que tous les hommes les subissent et qu'ils y réagissent différemment en fonction de la prépondérance ou de l'absence en eux de la bonne volonté de se sanctifier, autrement dit en fonction de leur spiritualité ou de leur instinct charnel ? Mais c'est justement parce que je me suis perfectionné par le moyen de la souffrance continuelle que j'ai été l'Hostie parfaite ! Si le Père avait voulu que le démon n'approche pas cet homme qu'était son Verbe incarné, n'aurait-il pas pu l'en empêcher ? Ne l'a-t-il pas fait en me dissimulant pendant trente ans aux recherches de Satan, par tout un ensemble de circonstances providentielles ? S'il l'avait voulu, lui était-il impossible de poser des limites aux tentations qui m'assaillaient, s'il avait voulu en permettre certaines mais pas toutes, pas celle-ci précisément, car inconvenante pour le Christ ? N'aurait-il pas pu me rendre supérieur aux hommes et aux anges ? Pourquoi donc m'avoir rendu de peu inférieur aux anges et semblable aux hommes ? Est-ce que ces mots de l'Apôtre qui affirme que je suis un homme en tout semblable aux autres ne contredisent pas le passage où il dit que je suis de peu inférieur aux anges ? Ne vous serais-je donc pas semblable ? Ne serais-je donc pas semblable à Dieu, puisque Dieu est plus grand que les anges ? L'Apôtre aurait-il proféré des blasphèmes, des sottises ou des mensonges ? Et s'il ne l'a pas fait, en quoi consiste cette différence, cette égalité et cette infériorité dans le fait d'être différent des anges, inférieur à eux, égal aux hommes et en même temps inégal puisque je suis de peu inférieur aux anges ? Mais n'est-ce pas blasphématoire de prétendre que le Verbe incarné est inférieur aux anges ? En quoi consiste cette différence qui est en moi, par rapport aux anges et aux hommes ?

Ne vous êtes-vous jamais posé ces questions, avec une sincère volonté d'y répondre et en y réfléchissant sous la lumière de Dieu ? Tous, mes enfants, tous, vous, avez le devoir de vous placer sous la lumière divine et de vous efforcer de comprendre, de comprendre par vous-mêmes ; ne vous contentez pas paresseusement des explications proposées par d'autres, sans vous efforcer de comprendre personnellement. Liriez-vous tous les livres qui parlent de moi et du Très-haut que cela vous serait moins utile, si vous le lisez machinalement, qu’une seule connaissance apprise par un effort personnel de comprendre, en faisant preuve d'une humilité pleine d'amour qui recourt à l'Esprit Saint pour pouvoir comprendre, et d'une justice héroïque pour le prendre comme ami et se laisser mener par lui à la compréhension du langage divin. Car seuls "ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu." C'est encore Paul qui l'affirme. Et il est naturel que les enfants comprennent le langage de leur père.

Je vais cependant vous montrer cette différence, et vous dire comment il est possible que je sois semblable à vous et en même temps de peu inférieur aux anges.

Je suis comme vous, je suis l'Homme, par conséquent je suis indéniablement inférieur aux anges, car l'homme n'est pas cette créature spirituelle qu'est l'ange, la plus noble de la création : ceux-ci sont purement spirituels, ils possèdent une grande intelligence, et une intelligence rapide puisqu'ils ne sont pas appesantis par la chair et les sens ; ils sont confirmés en grâce et adorent sans relâche le Seigneur dont ils comprennent la pensée et l'accomplissent sans nul obstacle. Mais l'homme peut-il s'élever lui-même à un niveau surnaturel ? Il le peut s'il vit volontairement dans la pureté, l'obéissance, l'humilité, avec charité, à l'instar des anges. Or tout cela, je l'ai fait. Ce Jésus, créé de peu inférieur aux anges, devint Homme par le divin désir de son Père, afin d'être le Rédempteur. Par la suite, il devint de peu inférieur aux anges par sa volonté personnelle et pour vous donner l'exemple qu'un homme peut, s'il le veut, s'élever lui-même à la perfection angélique, en menant une vie angélique.

Oh ! Vie humaine tellement unie au surnaturel qu'elle réduisait à néant les voix et les faiblesses de la matière pour endosser les voix et les perfections angéliques ! Vie qui oublie la concupiscence, mais vivante d'amour, dans l'amour ! L'homme qui devient ange, c'est la créature composée de deux substances qui en purifient la partie la plus basse par les feux de la charité ; or c'est dans la charité que se trouvent toutes les vertus comme autant de graines à l'intérieur d'un unique fruit, à tel point qu'on peut dire qu'elle s'en dépouille, mieux, qu'elle la dépouille de tout ce qui est matérialité jusqu'à rendre la matière digne d'entrer un jour dans le Royaume de l'Esprit. Elle dépose dans le sépulcre son vêtement purifié dans l'attente de l'ordre final. Mais elle en jaillira dans une telle gloire qu'elle fera l'admiration des anges eux-mêmes, car la beauté des corps ressuscités et glorifiés causera l'étonnement respectueux des anges, qui admireront leurs frères de création en disant : "Nous avons su rester en état de grâce avec une seule substance ; les hommes, eux, ont remporté l'épreuve par leur esprit et leur chair. Gloire à Dieu pour la double victoire des élus.

Semblable en tout aux hommes, le Christ a voulu atteindre la beauté de la perfection angélique par une vie sans ombre, sans péché ni même d'attirance pour le péché ; tout en restant homme pour subir la mort avec sa chair et son sang pour expier les fautes de la chair, du sang, de l'esprit et de l'orgueil de la vie, avec toute, toute, toute la souffrance pour réparer toute, toute, toute la Faute, il devint de peu inférieur aux anges et éleva la nature humaine à la perfection des anges.

Donc, je suis Dieu. Et je suis homme. Tout comme l'ange est l'anneau intermédiaire entre l'homme et Dieu, moi, qui devais ressouder la chaîne interrompue entre Dieu et vous, vous réunir à Dieu, j'ai servi de lien, grâce à ma parfaite humanité, entre la terre --- c'est-à-dire les hommes --- et le ciel --- les anges --- ramenant ainsi l'humanité à une perfection égale, et même plus élevée, que celle que possédaient Adam et Eve au commencement des temps, lorsque l'homme était innocent et heureux grâce au don gratuit de Dieu, sans connaître ni subir le dur combat contre le mal et les incitations du péché. Par conséquent, ma divinité ne s'est pas avilie en assumant la descendance d'Adam, mais l'humanité s'est divinisée et, par la libre volonté de l'Homme, elle a été portée à la perfection qui rend semblable à mon Père, lequel ne connaît pas l'injustice.

L'Apôtre ne ment donc pas, ne blasphème pas et ne se contredit pas quand il affirme, en des mots inspirés, que Jésus, l'Homme, s'est fait de peu inférieur aux anges grâce à une spiritualité héroïque. Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu l'Esprit Saint n'ont pas manqué de fournir au Rédempteur le seul vêtement qui lui convenait pour qu'il soit ce qu'il devait être et puisse vous racheter --- ainsi que par ce grand acte qu'est son Sacrifice --- par cette continuelle leçon qu’est sa croissance en grâce jusqu’à parvenir à la perfection spirituelle, ceci pour vous sauver de votre ignorance, de cette ignorance consécutive au péché qui amoindrit les forces de l'homme et l'influence en lui insinuant que, puisqu'il est davantage formé de matière que d'esprit, il ne peut tenter d'évoluer spirituellement.

Non. Si la matière vous semble occuper une telle place en vous et être toute-puissante, c'est que vous la voyez et que vous entendez hurler ses voix bestiales. Elle vous paraît tellement importante parce que vous la redoutez et que vous ne voulez pas la faire souffrir par peur de souffrir. Elle vous le paraît parce que Satan vous en altère les contours, et aussi parce que vous ne savez pas. Vous êtes encore ignorants de ce qu'est réellement cette chose magnifique qu'est l'âme, de ce qu'est cette chose toute-puissante qu'est l'âme unie à Dieu.

Laissez vos peurs de côté. Abandonnez vos ignorances. Regardez-moi. Moi, qui suis l'homme, j'ai atteint la perfection de la justice en étant un homme tout comme vous, parce que je l'ai voulu. Imitez-moi. Ne craignez rien. Gardez votre âme unie à Dieu et avancez. Montez. Montez dans les régions lumineuses du surnaturel. Qu'une volonté ardente entraîne votre chair là où votre âme s'élève. Devenez des anges. Devenez des séraphins. Le démon ne pourra plus vous blesser profondément. Ses flèches tomberont à vos pieds après avoir frappé votre cuirasse, et vous ne serez pas troublés, comme je ne l'ai pas été (Les Cahiers de 1945 à 1950, 18 février 1947)28.

Les différents passages que nous avons évoqués ne sont pas tirés de l'EMV. Cependant, ils se trouvent dans les œuvres annexes de Maria Valtorta (Les Cahiers et les Leçons de l’épitre de saint Paul aux Romains) et nous semblaient bien éclaire la thématique de la divinité et de l'humanité du Christ. Nous nous sommes donc permis de remettre ces passages pour offrir des réflexions au lecteur. Nous ne laissons libre d'en tirer les leçons qu'il en a envie.

Notes de bas de page

26 Par "humanité", nous entendons que l'être humain a des sentiments, une volonté propre et une liberté absolue, liée à son libre arbitre. Nous entendons également qu'il est doté d'une chair, qui a ses forces et ses faiblesses, et est sujette à la mort. Alors est-ce que le Christ dans l'EMV répond à ces critères ?