Contradiction n° 1 : Notre Seigneur aurait sucé avec avidité le fiel présenté par le soldat

Dans l'EMV, quand vient le moment de la crucifixion, « le centurion présente l'amphore à Jésus pour qu'il boive la mixture anesthésique du vin mêlé à de la myrrhe. Mais Jésus la refuse » (EMV 609.1). Plus tard, lorsqu'on l'a cloué à la Croix, le Christ commence à prononcer les paroles qui sont connues dans l'Évangile. Nous chercherons à voir dans un premier temps s'il y a contradiction entre le récit valtortien et les récits évangéliques, et dans un deuxième temps, nous verrons si c'est réellement grave que notre Seigneur ait sucé avec avidité le fiel présenté par le soldat.

Voici ce que dit l'EMV :

« J'ai soif ! »

Il souffle en effet un vent qui altère même les personnes en bonne santé, un vent continu maintenant, violent, chargé de poussière, froid, effrayant. Je pense à la douleur qu'il aura provoquée aux poumons, au cœur, au gosier de Jésus, à ses membres glacés, engourdis, blessés. Vraiment, tout s'est réuni pour torturer le Martyr.

Un soldat se rend auprès d'un vase où les aides du bourreau ont mis du vinaigre avec du fiel parce que, par son amertume, il augmente la salivation chez les suppliciés. Il prend l'éponge dans le liquide, l'enfile au bout d'un roseau fin et pourtant rigide qui est prêt, à portée de main, et il la présente au Mourant.

Jésus se tend avidement vers l'éponge qui approche. On dirait un enfant affamé qui cherche le sein de sa mère.

À cette vue Marie, qui doit y penser, gémit, en s'appuyant sur Jean :

« Je ne peux même pas lui donner une de mes larmes... Oh ! mon sein, pourquoi ne donnes-tu plus de lait ? Mon Dieu, pourquoi, pourquoi nous abandonnes-tu ainsi ? Fais un miracle pour mon Fils ! Qui me soulèvera pour que je le désaltère de mon sang, puisque je n'ai pas de lait ?... »

Jésus, qui a sucé avidement l'âpre et amère boisson, détourne la tête, dégoûté. Ce breuvage doit brûler ses lèvres blessées et gercées (EMV 609.20).

Voyons maintenant ce que disent les Évangiles.

À partir de la sixième heure (c'est-à-dire : midi), l'obscurité se fit sur toute la terre jusqu'à la neuvième heure. Vers la neuvième heure, Jésus cria d'une voix forte : « Éli, Éli, lema sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » L'ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : « Le voilà qui appelle le prophète Élie ! » Aussitôt l'un d'eux courut prendre une éponge qu'il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d'un roseau, et il lui donnait à boire. Les autres disaient : « Attends ! Nous verrons bien si Élie vient le sauver. » Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l'esprit (Matthieu 27, 45-50).

Dans ce premier récit synoptique, on voit que cela ne contredit pas le récit valtortien, puisque le soldat met bien l'éponge au son d'un roseau et qu’il lui donne à boire.

Et ils amènent Jésus au lieu dit Golgotha, ce qui se traduit : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire). Ils lui donnaient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n'en prit pas. Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun. C'était la troisième heure (c'est-à-dire : neuf heures du matin) lorsqu'on le crucifia (Marc 15, 22-25).

Quand arriva la sixième heure (c'est-à-dire : midi), l'obscurité se fit sur toute la terre jusqu'à la neuvième heure. Et à la neuvième heure, Jésus cria d'une voix forte : « Éloï, Éloï, lema sabactani ? », ce qui se traduit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » L'ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : « Voilà qu'il appelle le prophète Élie ! » L'un d'eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d'un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. (Marc 15, 33-37)

Dans le récit de Marc, le passage que nous avons relevé en 609.1 est bien confirmé par l'Évangile et on voit également que le soldat lui donne également à boire, comme cela est expliqué en 609.21.

Luc n'est pas aussi précis. Une fois crucifié, l'évangéliste signale surtout les détails suivants :

Lorsqu'ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l'un à droite et l'autre à gauche. Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font. » Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort. Le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s'approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » (Luc 23, 33-37).

Dans ce texte, il n'est pas dit si Jésus accepte l'éponge ou non, mais, compte tenu des deux précédents évangélistes, on peut assumer que le Seigneur a bien accepté cette boisson amère.

Il reste enfin l'Evangile de saint Jean, qui rejoint fortement L’Évangile tel qu’il m’a été révélé.

Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l'Écriture s'accomplisse jusqu'au bout, Jésus dit : « J'ai soif. » Il y avait là un récipient plein d'une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d'hysope, et on l'approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l'esprit (Jean 19, 28-30).

L'évangéliste nous confirme que Jésus a bien pris le vinaigre : sur ce point, le récit valtortien ne contredit en rien le Nouveau Testament.

Venons-en à la deuxième partie de notre argumentaire : le fait que le Seigneur ait sucé avec avidité le fiel présenté par le soldat.

Les Évangiles ne nous précisent en rien comment Jésus a pris la boisson. Est-ce qu'il n'en a pris qu'une gorgée ? Est-ce qu'il en a pris avec parcimonie ? Est-ce qu'il a bu la boisson avec avidité, comme l'écrit Maria Valtorta ? Nous ne le savons pas, les textes évangéliques ne sont pas assez précis et ne relatent pas ce genre de détails.

En revanche, nous pouvons exprimer notre opinion -- qui est, comme n'importe quel avis, subjective et personnelle -- et supposer que ce n'est pas si étonnant que Jésus ait voulu boire avec autant d'avidité la boisson présentée par le Romain.

En effet, le Christ mourait de soif et c'est ce qu'il explique à ses apôtres après sa Résurrection.

J'avais soif. Oui, sache aussi cela : je mourais de soif. Je n'avais plus que fièvre et douleur. Le sang avait déjà coulé à Gethsémani, tant je souffrais d'être trahi, abandonné, renié, frappé, submergé par le nombre infini des fautes et par la rigueur de Dieu. Et il avait coulé au Prétoire... Qui a pensé à me donner une goutte pour ma gorge en feu ? Une main d'Israël ? Non. La pitié d'un païen. Cette même main qui, par un décret éternel, m'ouvrit la poitrine pour montrer que mon cœur avait déjà une blessure mortelle, et c'était celle que l'absence d'amour, la lâcheté, la trahison, m'avaient faite. Un païen. Je vous le rappelle : " J'ai eu soif et tu m'as donné à boire. " De tout Israël, il ne s'est trouvé personne pour me réconforter, que ce soit dû à l'impossibilité de le faire, comme ma Mère et les femmes fidèles, ou à la mauvaise volonté. Mais un païen trouva, pour l'inconnu que j'étais, la pitié que mon peuple m'avait refusée. Il trouvera au Ciel la gorgée qu'il m'a donnée.

En vérité, je vous le dis : j'ai refusé tout réconfort puisque, quand on est Victime, il ne faut pas adoucir son sort, mais je n'ai pas voulu repousser le païen car, dans son offrande, j'ai savouré le miel de tout l'amour que me donneront les païens pour compenser l'amertume qui m'est venue d'Israël. Il ne m'a pas ôté ma soif. Mais le découragement, oui. J'ai accepté cette gorgée ignorée pour attirer à moi celui qui déjà penchait vers le bien. Que le Père le bénisse pour sa pitié ! (EMV 627.14)

Le Seigneur suce avec avidité la boisson ? Peut-être. Mais n'aurions-nous pas fait de même si, à sa place, nous avions sué du sang et si nous avions été trahis, flagellés, torturés, couronnés d'épines ? N'aurions-nous pas fait de même si nous étions assoiffés et déshydratés et si, en plus de tout cela, nous avions dû porter la Croix jusqu'au Golgotha ? Si le Christ boit la boisson romaine ainsi, il ne faut pas la prendre pour une faiblesse de la part du Seigneur. Tout ce qu'il fait et tout ce qu'il réalise a un sens spirituel et n'est jamais inutile. Nous pensons personnellement que, s'il a bu la boisson comme tel, c'est que d'une part il avait réellement soif, et n'a pas voulu refuser ce geste de charité. D'autre part, le Seigneur a surtout bu avec avidité le fiel en voyant spirituellement toutes les âmes païennes qui viendraient à lui et qui surpasseraient même en amour, générosité et bonté, les chrétiens qu'il a éduqués depuis des siècles et des millénaires.

Oui, le Seigneur fait tout bien et le comportement de Jésus est loin d'être inconvenant. Cela lui a permis au contraire d'attirer une âme jusqu'à son cœur, et cela lui a enlevé le découragement qui l'accablait face au rejet et au mépris d'Israël.

Pour conclure, nous mettons ces deux commentaires du Maître. Il donne le premier le 20 février 1944, dans une dictée qu'il adresse à Maria Valtorta. Nous n'en reproduisons qu'un court extrait.

Venons-en à la soif. Quelle torture ! Pourtant, tu l'as vu : pendant toutes ces heures, personne, dans cette foule, n'a su me donner une goutte d'eau. À partir de la Cène, je n'ai plus eu aucun réconfort. En revanche, la fièvre, le soleil, la chaleur, la poussière, les pertes de sang, s'unissaient pour provoquer chez votre Sauveur une soif abominable.

Tu as vu que j'ai repoussé le vin mêlé de myrrhe. Je voulais que rien ne vienne adoucir ma souffrance. Quand on s'est offert en victime, il faut l'être sans compromis, sans adoucissement. Il convient de boire le calice tel qu'il est donné, de goûter le vinaigre et le miel jusqu'au fond... et non pas le vin drogué qui engourdit la douleur.

Ah ! le sort de victime est bien sévère ! Mais bienheureux celui qui le choisit (EMV 613.8).

Le Christ donne le second commentaire le 7 avril 1945 en se référant au passage précédent :

Je prévois les observations des trop nombreux Thomas et des scribes d'aujourd'hui sur une phrase de cette dictée qui semble en contradiction avec la gorgée d'eau offerte par Longinus. Ah, comme les négateurs du surnaturel, les rationnalistes de la perfection se réjouiraient s'ils pouvaient trouver une fissure dans le magnifique ensemble de cette œuvre de bonté divine unie à ton sacrifice, petit Jean, une fissure dans laquelle ils glisseraient, en guise de levier, le pic de leur rationalisme meurtrier pour tout faire écrouler ! C'est donc pour les prévenir que je vais m'expliquer.

Cette pauvre gorgée d'eau --- une goutte dans l'incendie de la fièvre et par rapport à la sècheresse de mes veines vides --- acceptée par amour pour une âme qu'il fallait persuader par l'amour pour l'amener à la Vérité, cette gorgée m'a demandé un immense effort, car l'essoufflement m'étranglait la gorge et empêchait toute déglutition, et les coups de fouet m'avaient brisé ; elle ne m'a apporté aucun soulagement autre que spirituel. Pour mon corps, elle n'a servi à rien. Je pourrais presque parler d'un tourment supplémentaire... Il aurait fallu des fleuves pour désaltérer ma soif ! Et je ne pouvais pas boire en raison de l'angoisse de la douleur précordiale. Tu sais ce qu'il en est... Il m'aurait donc fallu des fleuves, mais on ne me les a pas donnés. D'ailleurs, je n'aurais pu les accepter tant je suffoquais. Mais quel réconfort cela aurait été pour mon cœur s'ils m'avaient été offerts ! C'est d'amour que je mourais, d'amour non reçu. La pitié est amour. Or Israël n'a montré aucune pitié.

Quand vous contemplez --- vous, les bons --- ou analysez --- vous, les sceptiques --- cette gorgée, donnez-lui son nom exact : pitié, et non pas boisson. C'est ainsi que l'on peut dire, sans pouvoir être taxé de mensonge, que " à partir de la Cène, je n'ai plus eu aucun réconfort ". De toute la foule qui m'entourait, il ne s'est pas trouvé une seule personne pour m'apporter quelque compassion, puisque je n'ai pas voulu prendre le vin drogué. J'ai reçu du vinaigre et des railleries. J'ai connu les trahisons et les coups. Voilà ce que j'ai eu. Rien d'autre (EMV 613.14).